Un long-métrage produit par la célèbre firme aux grandes oreilles qui met en scène son illustre fondateur, véritable génie de l’animation : il n’y a pas plus promotionnel comme projet ! Encore faut-il que l’entreprise ait un sens ou quelque chose à nous apporter. Véritable défi que ce film, intitulé Dans l’ombre de Mary (Saving Mr. Banks en VO), étant donné qu’on ne savait pas trop quoi en attendre. Un conseil, d’emblée, dès cette introduction : regardez ce film, vous serez grandement surpris !
Pour plus de détails, Dans l’ombre de Mary retrace le parcours du combattant qu’a eu Walt Disney à obtenir les droits d’adaptation de Mary Poppins auprès de son auteur Pamela Lyndon Travers. Ou plutôt raconte le calvaire vécu par cette dernière, harcelée par le créateur de Mickey, qui ne voulait aucunement « abandonner » son personnage pour le voir se faire assassiner par quelqu’un qui ne pouvait le comprendre. Et pourtant, l’écrivain a dû accepter de se rendre à Los Angeles pendant deux semaines, manquant d’argent et ayant du mal à renouer avec le succès, pour collaborer sur l’adaptation. Un travail qui se montrer chaotique, aussi bien pour Travers que pour les employés de Disney. Un choc des visions : d’un côté celle de l’auteur qui voit en son histoire une métaphore de sa propre enfance (dévoilée au compte-gouttes par le biais de flash-backs), de l’autre un grand enfant qui ne pense qu’à sa réussite et à émerveiller la terre entière.
Alors, autant le dire tout de suite : le plus étonnant avec ce film made in Disney, c’est qu’à aucun moment, je dis bien aucun, ce cher oncle Walt n’est valorisé comme nous pouvions nous y attendre. Ici, il n’est pas ce réalisateur tout gentil, tout mignon. Mais plutôt le reflet de ce qu’il était réellement : obsessionnel (quand même, harceler un auteur pendant une vingtaine d’années en prétextant vouloir tenir une promesse à ses filles, quitte à se déplacer à l’étranger pour ne pas voir s’échapper son projet), égocentrique (tout revient à lui, à sa réussite ou à ses filles dans chaque discussion du film), fanfaron, vantard (mettant toujours en avant sa célébrité, faisant énormément de publicité sur son empire, distribuant des autographes préparés d’avance…) et même salaud, n’ayons pas peur des mots (après avoir apitoyé l’auteur pour obtenir les droits, il refuse de l’inviter à l’avant-première du film, pour éviter qu’elle descende celui-ci en public). Une personnalité que nous découvrons sous un autre jour, le film ayant même le culot d’user de l’esprit Disney pour devenir parodique (Disneyland sur le devant de la scène, les studios hauts en couleur, les employés toujours aussi souriants et heureux de travailler dans la bonne humeur, les bons sentiments répondant présents…). Véritablement inattendu et assez réussi, évidemment mis en valeur par la prestation de Tom Hanks.
Mais Walt Disney n’est pas le personnage principal de ce long-métrage. Ce rôle est plutôt décerné à la créatrice de Mary Poppins, Pamela Travers. Une traditionnaliste so british (et pourtant d’origine australienne) confrontée aussi bien à l’oncle Walt qu’à la société américaine. Ce qui offre au film sa petite dose humoristique bienvenue. Mais Dans l’ombre de Mary n’est pas que gags et drôlerie. C’est avant tout un drame raconté avec légèreté. Revenant notamment sur le passé de Travers qui l’a poussé à écrire Mary Poppins. Qui l’obsède à tel point qu’elle protège son œuvre telle une psychorigide. Qui nous plonge dans les tourments d’un auteur (qui idéalise son père, pourtant ivrogne à souhait et autodestructeur). Permettant ainsi de comprendre le personnage au fur et à mesure que le film avance. Et offrant des séquences émotionnelles réellement touchantes. Qui fera verser quelques larmes (en ce qui concerne la relation père/fille, Travers assistant à l’avant-première ou étant confrontée aux changements des personnages qu’elle a créés…). Emma Thompson (qui s’était récemment contentée d’un second rôle dans Men in Black 3) rayonne assurément, surpassant, et de loin, Tom Hanks. Mais qui ne fait pas le poids face à son « père » Colin Farrell, qui tient là le plus beau rôle de toute sa carrière. Le comédien composant pour la première fois un personnage prenant, qui apporte beaucoup à la tragédie de la trame.
Voilà ce qu’il faut retenir de Dans l’ombre de Mary : un film qui sait émouvoir comme il faut ! Sans passer par une surdose d’artifices ou de sentiments inutilement appuyés. Juste des personnages bien écrits et une très jolie musique en fond (Thomas Newman s’améliore au fil des années !), c’est tout ce qu’il faut ! Sans oublier le côté « documentaire » qu’offre le film. Même si, après avoir effectué des recherches sur cette affaire, vous découvrirez que Dans l’ombre de Mary romance un maximum au profit de son récit, n’étant pas toujours fidèle à la réalité (comme ce qu’avait pensé Travels du film lors de l’avant-première). Qu’importe : on ne peut être que séduit par cette histoire, qui arrive en plus à nous plonger avec facilité dans les années 60 (ambiance, costumes, décors…) !
Une chose est sûre : vous aurez envie de revoir Mary Poppins ! Et surtout, vous le redécouvrirez d’un autre œil ! Grâce un ce bon petit film qu’est Dans l’ombre de Mary. Un long-métrage de qualité inattendu qui sait émouvoir et amusé tout en ayant une bonne touche pédagogique (restez pendant le générique, vous aurez droit à un véritable enregistrement de travail), sans que cela ne rime avec bourrage de crâne et endoctrinement à la cause Disney. L’excellente surprise de cette année !