A l’approche du quatrième épisode de la franchise Mad Max qui inaugurera mercredi prochain une nouvelle trilogie, les cinémas Pathé-Gaumont ont eu la bonne idée de rediffuser le premier du nom qui projeta Mel Gibson comme nouvelle star du grand écran. Georges Miller, qui offrira également au monde Les sorcières d’Eastwick, a consacré sa vie à sa franchise et a su créer un véritable univers à la fois emprunté à d’illustres prédécesseurs et précurseur d’une nouvelle génération.
Dans un futur proche, où des signes flagrants de décadences sont visibles partout, Max Rockatansky (Mel Gibson) est un policier œuvrant contre les gangs qui ont , peu ou prou, pris le contrôle des routes et terrorise les petites bourgades. Responsable de la mort d’un gangster célèbre nommé « L’aigle de la route », il est pourchassé par le gang qui lui avait prêté allégeance. L’immolation de son fidèle coéquipier, Jim Goose (Steve Bisley) et le meurtre de sa femme Jessie (Joanne Samuel) et de son fils Sprog (Brendan Heath) vontle rendre fou. « Mad » Max va alors se lancer dans une impitoyable vendetta à la poursuite de leur nouveau chef, Toecutter (Hugh Keays-Byrne).
Hanté par la Guerre Froide et les exactions américaines à Nagasaki et Hiroshima, le monde n’attendit pas George Miller pour faire parler l’horreur post-apocalyptique au cinéma. Quelques chefsd’œuvre de la science-fiction comme La planète des singes (1968), Soleil vert (1973) ou L’âge de cristal (1976) avait déjà décrit des mondes après des catastrophes nucléaires, sociétales ou technologiques. Les maîtres de la série B voire Z tel Robert Clouse avait introduit l’univers steampunk dans l’équation notamment avec New-York ne répond plus en 1975. Mais c’est véritablement Mad Max et surtout sa suite Mad Max 2 qui popularisèrent le genre et furent les pionniers d’un véritable déferlement de bande plus ou moins fauchées mais souvent remarquable durant les années 1980, utilisant le style dystopique pour appuyer sur les pires travers de notre société. Une brèche où s’engouffra d’un côté, les ténors du bis italiens Enzo G. Castellari (Les nouveaux barbares) et Bruno Mattei (Les rats de Manhattan) mais aussi Joe d’Amato et Ruggero Deodato, et d’un autre côté l’avant-garde américaine, à sa tête John Carpenter qui créa le charismatique anar Snake Plissken de New-York 1997 (1981) et George Romero qui poussa son idée première dans ses retranchements avec Le jour des morts-vivants (1985). Le récent The Rover est le dernier rejeton de Mad Max, un petit bijou restituant le même type d’ambiance.
Condamné par la censure qui le jugea ultraviolent, Mad Max le fut surtout vis-à-vis des critères de pudibonderie de l’époque. Miller avait eu soin de ne pas montrer la violence, seulement de la suggérer hors-champ. Par ce procédé, il rendait les événements plus viscéraux, laissés à l’appréciation des spectateurs. Et les spectateurs eux-mêmes confrontés à une société où la violence est partout et pas seulement symbolique, ont de l’imagination à revendre, le journal télévisé, en premier lieu, leur montrant tout ce que le monde a de violence à l’heure du repas. Et puis, Mad Max, c’est d’abord l’extrapolation d’une société occidentale déliquescente après un choc pétrolier sans précédent. Sorti en 1979, Mad Max parlait au cœur des gens de la récession économique post-1971. Le postulat est que, privé de sa puissance industrielle, l’Occident sombrerait dans l’anarchie. Miller décrit un monde où le désengagement de l’État, dans une logique purement libéral, ne permet même plus à celui-ci d’exercer la protection des libertés fondamentales qu’il avait lui-même arbitrairement défini, à savoir le droit à la sécurité et la propriété privée. Livré à eux-mêmes, dans une société où transparaissent plus que jamais les inégalités, certain deviennent des chevaliers blancs tel Goose, d’autre des vengeurs fous comme Max. Les autres régressent au rang d’animaux.
Porté par la bande original de Bryan May, Mad Max prend le temps de poser ses personnages, les ancrant dans leur quotidien et pourrait paraître, selon les canons actuels, relativement lent dans sa mise en place. Toutefois, il n’a rien perdu ni de sa force évocatrice ni de aura mythique, la belle gueule de Mel Gibson n’ayant rien perdu de son charisme, les paysages désertique du bush australien n’ayant rien perdu de leur beauté toute cinématographique, les poursuites en voiture faisant pâlir les héros pâlots de Fast and Furious. Nous vous conseillons vivement de regarder la trilogie avant de foncer en salle, à toute berzingue, comme Max, à partir du mercredi 13 mai pour découvrir la suite.
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