La grieta ou The Rift est un film de Juan Piquer Simon, réalisateur espagnol habitué aux séries B fauchées mais qui généralement parvient à tirer ses œuvres vers le haut et à les sortir de la masse commune. Ici ca ne loupe pas.
The Rift bénéficie c’est vrai d’un casting plus étoffé que la plupart des films de Simon. Scalia, Lee Ermey, Wise, il y a une belle galerie de têtes connues, avec des acteurs plus prolifiques que géniaux, mais capables d’assurer une prestation honnête. Ici ils assurent, et compensent c’est vrai un casting pour le reste un peu passe-partout et sans grand relief. Je tire tout de même du lot Deborah Adair, car cette dernière se débrouille bien avec son personnage, et assure avec une réelle conviction. D’ailleurs, même les acteurs moins enthousiasmants s’investissent visiblement dans le projet, et cherchent à donner de la crédibilité à un film qui a très clairement des lacunes financières.
Le scénario est un peu bizarre. En fait on sent que Simon a essayé de se démarquer d’Abyss ou d’Alien, tout en faisant référence à ces deux métrages, et en intégrant son style personnel, composé généralement d’une prolixité « monstrueuse » à toutes épreuves. Il y a des incohérences, des lieux communs (dans le final notamment), et le film tourne un peu en rond par moment, passé la première demi-heure. Maintenant il faut être honnête : ce survival du fond des mers est efficace. Il est dynamique, généreux, doté de quelques scènes fortes, et il a des idées qui font mouches (comme celle de la contamination qui démultiplie le caractère dangereux des bestioles).
Sur la forme, Simon n’avait même pas 2 millions d’euros à sa disposition, et le résultat est pourtant excellent, surtout pour un film de 1990. Avec trois fois rien le réalisateur arrive à offrir un spectacle solide, même si quelques éléments ne font pas illusion. Sa mise en scène est globalement nerveuse, précise, adaptée aux situations. La première attaque des créatures dans la grotte n’a franchement rien à envier à celle de Alien II de ce point de vue, elle est même beaucoup plus lisible, et pas du tout ridicule malgré le design discutable des créatures. La photographie joue la carte des éclairages marqués pour donner un type au film. Il y a du bleu, du vert, c’est un peu flashy parfois, mais élégant et surtout globalement en adéquation avec l’ambiance du métrage et ses décors. Je note que les plans sous-marins ne sont pas crédibles étant donné la profondeur de la mer, mais qu’ils sont de belle qualité malgré ce défaut. Les décors sont assez répétitifs bien sur, et pas très bien faits, mais la grotte, le sous-marin sont loin d’être déplorables, et je pense que depuis 1990 il c’est vu sur nos écran des choses bien pires en la matière. Là où le film a le plus vieilli c’est au niveau de certains de ses effets spéciaux. Ce n’est pas le cas de tous, avec par exemple des effets horrifiques qui tiennent encore la baraque, et quelques monstres impressionnants (l’espèce d’étoile de mer, ou l’attaque des anguilles). D’autres en revanche, comme les vers ne sont pas au point. Il est dommage par contre que The Rift n’est pas une bonne bande son, de ce point de vue c’est une faiblesse.
Pour conclure il serait mal venu de ma part de bouder le plaisir que j’ai pu avoir à regarder cette réalisation Piquer Simon. Plutôt bien interprétée, dynamique, enthousiasmant sur la forme si l’on tient compte du budget ultra-serré du métrage, il souffre d’une histoire clairement perfectible, de personnages assez quelconques, d’une absence de bande son à la hauteur, et de quelques aspérités de ci de là. Il vaut bien un 3.5 néanmoins, car il est généreux et plein de respect pour le spectateur, essayant de lui offrir le maximum avec le minimum.