Je suis assez effarée par le dédain, la violence même, de certains avis spectateurs : nul, à chier, rien, navet, et j’en passe… Si, moi aussi, je n’ai rien compris à l’engouement de la Critique pour "La bataille de Solferino" ou "La Fille du 14 juillet" - films ni fait, ni à faire, confondants d’amateurisme – pas plus qu’à son empressement à coller une étiquette (la nouvelle nouvelle vague) sur ce qu’elle croit décrypter comme un mouvement, sinon une relève, faudrait quand même pas mettre tout le monde dans le même sac. Auteur d’un très beau premier film ("Poison Violent" en 2010), coscénariste aussi d’un des longs métrages les plus intéressants de l’année dernière ("Vandal" d’Hélier Cisterne), Katel Quillévéré nous embarque avec "Suzanne" dans un projet sacrément ambitieux : balayer 30 ans de la vie d’une jeune femme. Feuilleter, comme un album photos, une sorte d’album séquences, les moments épars mais décisifs du destin de Suzanne, une fille fougueuse, gouvernée par ses sentiments et qui se fourvoie par amour. "Suzanne" est une tragédie moderne, un récit émouvant mais sans pathos, dont les nombreuses ellipses, comme la noirceur, peuvent déconcerter. Mais de là à dézinguer à tout va, lâcher ses bastos sur une prétendue absence de scénario ou de style, ou je ne sais quel scandaleux siphonage des aides publiques… les bras m’en tombent. Pour ma part, j’apprécie un film à l’écho qu’il laisse en moi, à cette trace qui peut subsister longtemps après la projection. Suzanne m’a attrapée et ne me lâche plus depuis. L’engagement et la finesse de jeu de Sara Forestier y sont sans doute pour beaucoup. Comme les partitions impeccables que livrent François Damiens (aussi juste en jeune père qu’en grand-père dépassé) et Adèle Haenel, décidemment trop rare au cinéma.