Pour son 5è opus, Quentin Dupieux était attendu au tournant. Par son univers burlesque, décalé, et déjanté, le réalisateur le plus singulier du cinéma français monte en puissance de film en film, et "Réalité" posa de nombreuses questions lors de sa sortie : est-ce que les limites allaient être atteintes ? est-ce que Q.D. aka Mr Oizo allait tourné en rond ? Et bien non !
Car Réalité offre au spectateur un véritable tour de force, une incroyable maîtrise visuelle et scénaristique, provocant par là même un tourbillon cérébral jubilatoire.
La première partie, outre le côté loufoque, et parfois incohérent (où va-t-il nous mener ?) sert à présenter les différents personnages apparemment indépendants les uns des autres, et pose petit à petit le support de ce que réserve la seconde partie. Une fois cette seconde partie visualisée et digérée, on se rend compte alors de la véritable force du métrage ! Si Q.Dupieux est un spécialiste du non-sens, dans "Réalité", le scénario et l'intrigue y gagnent en densité, en maîtrise, où la barrière entre réalité, fiction, et réve n'a jamais été aussi floue, pour notre plus grand plaisir, car une fois le plot révélé, quelle jubilation ! Très proche de l'univers Lynchéen (époque Lost Highway et Mulholland Drive), "Réalité" provoque de bonnes sensations, triture les méninges, et finalement propose une parabole sur les affres de la création, les intéractions (in)visibles dans un microcosme (ici le monde du cinéma). A travers ses différentes lectures, la puissance de ce film est de sensibiliser (ou non...) son spectateur, tout dépend du prisme par lequel on le regarde. En tout cas, critique du monde du cinéma (hollywoodien) et de son microcosme n'a jamais été aussi figurative, allégorique, déjantée et subtile (si ce n'est Mulholland Drive auparavant). Enfin, si burlesque, non-sens et ambiance bizarre n'ont jamais aussi bien fonctionné ensemble, c'est ce qui fait de Réalité un film d'une cohérence certaine, et sûrement aujourd'hui le métrage le plus abouti de Quentin Dupieux.