« Bird People » est comme un oiseau qui se pose sur le rebord de notre fenêtre ; on le remarque et puis on l’oublie. Sur le moment il nous touche, on se dit que c’est une belle petite chose gracieuse que l’on a devant les yeux. Et le temps passe, et il ne laisse finalement sur nous aucune trace. C’est triste mais c’est comme ça. Impossible de nier que « Bird People » est un joli film qui traite agréablement et subtilement des rêves qui peuvent être source d’échappatoire dans un univers morne et individualiste. L’oiseau est l’objet de fascination, il est le modèle à atteindre, lui qui vit en dehors de toute contrainte. Les deux protagonistes n’ont rien en commun hormis ce désir ardent de s’élever au-dessus de toute préoccupation. Elle est une femme de ménage jeune et enthousiaste, lui est un homme d’affaires usé. Elle a déjà décollé du nid mais ne se sent pas pour autant délivrée, lui s’apprête à le faire. Rien ne les unit excepté l’imposant et luxueux hôtel Hilton, décor oppressant renforçant leurs solitudes respectives. Le film commence très fort, puisque la réalisatrice donne au spectateur accès aux pensées des utilisateurs du RER parisien. Nouvelle vision illustrant le mal de ce siècle, la solitude alors même que l’on est oppressé dans un véhicule bondé. S’en suit de nombreux plans et moments plus ou moins symboliques où Audrey et Gary vivent leurs mornes existences. Puis un écran noir nous indique que l’on ne suivra maintenant que la vie de Gary, puis plus tard celle d’Audrey. Quel dommage que ces segments de vies aient été si froidement opposées au lieu de les mélanger pour mieux mettre en exergue leurs divergences et concordances ! Concernant le rythme, les évènements sont parfois terriblement lents, mais cette lenteur provoque un étrange attrait. Voir Audrey effectuer plus ou moins méticuleusement ses tâches quotidiennes, voir Gary entamer une interminable conversation avec sa femme ennuie tout en captivant. Peut-être est-ce grâce au magnétisme dégagé par Anaïs Demoustier, peut-être aussi est-ce la véracité du moment qui fait qu’on y prête attention. Il y a des longueurs, mais quelle vie n’en n’a pas ? Et puis soudainement, les choses bougent. Une touche de fantastique inattendue fait son entrée. C’est à ce moment-là qu’on se rend compte qu’Anaïs Demoustier n’est absolument pas faite pour le doublage mais aussi à quel point on est méfiant lorsque les codes sont dépassés. Passé le premier temps d’étonnement, on ne peut que saluer l’initiative qui, bien que maladroitement mise en place, est charmante. Il y a de jolis plans ainsi que des moments qui font rêver (le choix de David Bowie pour la B.O, la rencontre avec l’artiste japonais, sublime). Et puis vient ce moment terrible, sans dialogues ni civilisation, ce moment où l’oiseau a remplacé l’être humain et ou la liberté a pris le pas sur l’humanité et ses règles. Est-ce vraiment de ce type de liberté dont Audrey ressent le besoin ? Heureusement, Pascale Ferran a su écrire une conclusion idéale pour son œuvre. Ni moralisatrice, ni spécialement concluante, elle ouvre plutôt sur différentes visions de l’avenir, que chaque spectateur pourra percevoir à sa guise. A cause de l’ennui régulièrement ressenti, je comptais affubler « Bird People » d’un petit deux et demi, mais en parler a ravivé la poésie au détriment de l’ennui. Un petit trois donc.