Vous cherchez un film, intense, drôle, épique et pourtant réaliste, avec une tendresse et un romantisme attachants mais aussi une veine contestataire, servi par des acteurs fabuleux qui croient en leur personnages et une bande originale sublime et puissante ? De l'émotion à fleur de peau, un scénario captivant, des trouvailles visuelles à tous les niveaux, une originalité sans égale, une morale humaniste et hautement philosophique ? Vous ne trouverez rien de tout ça dans "La Vengeance", premier long-métrage de Mohamed Mehadji. Campant le personnage de Morsay, une enflure raciste et pourtant victime de racisme, le cinéaste retrace de façon romancée l'avènement des Truands 2 la Galère, son collectif de gangsters. Après une scène où la justice est représentée dans toute sa splendeur (ça vaut le coup d'œil), Morsay est bien décidé à se venger des néonazis qui l'ont amoché. Cependant, son frère Zehef (dont le regard est fort zehef) n'est pas du même avis et préfère fonder son entreprise. Alors que celle-ci est couronnée de succès et que Youssef s'enrichit, Morsay connaît la misère, sexuelle avant tout puisqu'il ne parvient pas à trouver de partenaire pour évacuer le stress de la prison, mais aussi morale. Heureusement, dans un discours profond et révolutionnaire, le voleur de bonbons rappelle que l'État, il la baise, et que si l'alphabet lui est inconnue, il se rappellera à jamais du A et de la Z, et ne se laissera donc pas faire (fautes de grammaire incluses). Hélas, le chef des néonazis, ex-policier campé par Benjamin Biolay (ou son sosie), n'en a pas fini avec lui : il fait appel à un Algérien fourbe, incarné par Romain Duris (ou son sosie) pour assassiner sa némésis. S'ensuivront une vendetta implacable et une fin digne d'"Eaux sauvages". D'une certaine façon, "La Vengeance" est un peu une adaptation du Nouveau Testament : alors que l'avenir semblait lui sourire, Morsay va être porté plus bas que terre, va subir la traversée du désert mais jamais ne succombera aux appels sataniques de la légalité, comme le fera son faible frère. Trahi par Judas / Duris, il devra alors se préparer à la crucifixion, planifiée par Ponce Pilate / Biolay. Heureusement, dans un geste rédempteur, Zehef décide de se racheter en sauvant son frère avant que l'irréparable ne soit commis, faisant ainsi intervenir la résurrection avant la crucifixion. Sur ses bases, Saint Pierre / Zehef va pouvoir organiser, cette fois de manière saine, l'Église destinée à vouer un culte à Morsay, à savoir l'entreprise Truands 2 la Galère. Il est évidemment audacieux de la part de Morsay, ce Jésus des temps modernes, de réécrire la fin de la Bible de cette façon, mais il est vrai que cette nouvelle conclusion est beaucoup moins bancale que la précédente et possède une aspiration philosophique que le livre des chrétiens est loin de connaître, accédant même à une universalité inédite. Comme le signifiait si bien l'accroche du film, "la vengeance est un plat qui se mange froid, moi je le mange cru parce que avant je n'en avais pas", et cette citation est appelée à rester dans le firmament du septième art.