Quand l'océan emporte un corps, il emporte plus d'une seule âme. Donato le sait aussi bien qu'il connaît la Plage du Futur, d'où il contemple la houle constante apportée par les alizés sur la côte brésilienne. L'eau est son élément : une plage sans elle n'existe pas, et il pense qu'il n'existerait pas lui-même sous un autre paysage. Mais la vie, elle, n'obéit à aucun courant, et change malgré tout.
On ne la verra pas faire, car le film d'Aïnouz est hanté par l'océan et son échouage monotone qui nous convainc perpétuellement de son immuabilité. Derrière des années qui défilent invisibles et des cœurs brisés puis reconstruits en silence, il y a quelque chose de grand et de paisible à sa manière, d'indomptable, qui impose son rythme et empêche que l'on s'attache aux personnages. Mais ce quelque chose nous procure en échange un recul immense, comme si l'on était au milieu de l'océan et qu'à chaque instant, au fond de nous, rien n'avait vraiment d'importance. Les alizés resteront constants malgré tout.
Sans préméditation, j'en arrive curieusement à la même conclusion que pour Le Ciel de Suely, autre film d'Aïnouz : le film s'achève quand on y entre. Car cette impression de recul, cette distance incompressible entre l'œuvre et nous, elle est là pour nous rappeler qu'un film n'est qu'une vision passagère, et que tout récit authentique ne peut avoir lieu qu'en-dehors d'une telle vision. Alors le film commence quand, enfin, de l'autre côté de l'Atlantique, sur une plage allemande d'où l'eau se retire chaque jour, l'océan cesse d'imposer sa cadence. Aïnouz n'aura été que le technicien de cette vision pure et éphémère.
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