Non, il n'est pas question, dans ce film, d'une supposée "théorie du genre"! Beaucoup plus simplement, il s'agit d'un homme et d'une femme que tout oppose et qui donc, en toute logique, n'auraient jamais dû vivre une aventure commune
Lui, Clément, c'est un prof de philo, parisien jusqu'au bout des ongles, fréquentant le Café de Flore, tellement parisien que la traversée du périphérique équivaut à ses yeux à une mise en exil. Elle, c'est Jennifer (prononcez "Djennifer", s'il vous plaît!): elle habite Arras, élève seule un fils et travaille dans un salon de coiffure. Lui, pour ses loisirs, on l'imagine se rendant à l'opéra; elle, avec ses collègues coiffeuses, elle adore se produire sur une scène de karaoké. Lui, c'est un lecteur assidu de Kant ou de Dostoïevski et l'auteur d'un ouvrage de philosophie; elle, c'est une lectrice d'Anna Gavalda et de magazines people.
Tout les oppose, en effet, sauf une étrange attirance qui sera la grande affaire de ce film plein de charme et qui, malgré les apparences, ne manque pas de finesse. Cela débute par l'annonce d'une catastrophe: Clément apprend par un courrier non seulement qu'il est détaché pour un an à Arras, mais qu'il devra enseigner la philo à des élèves pour qui cette matière compte peu! En voilà une punition! Il faut pourtant s'y résoudre, comme il faut aussi, même quand on ne jure que par la philosophie, entrer de temps à autre dans un salon de coiffure pour s'y faire couper les cheveux!
C'est donc ainsi, tout bonnement, que se fait la rencontre entre ces deux-là. La suite, c'est une histoire d'amour dont on se demande à tout moment si elle pourra ou non perdurer. Entre la pétulante Jennifer, toute à son rêve de vivre un grand amour, et le pensif et secret Clément qui semble parfois aimer vraiment et d'autres fois jouer à aimer, y a-t-il une autre perspective qu'un piteux échec? Certes chacun fait des efforts: elle en lisant "L'Idiot" de Dostoïevski, lui en l'accompagnant au cinéma et au karaoké. Mais cela peut-il suffire? Clément a beau appliquer des préceptes de Kant au travail de Jennifer, on finit par avoir le sentiment que la "philosophie" de cette dernière vaut bien les références savantes du premier.
Certains considéreront peut-être ce film avec dédain, en l'accusant d'être farci de clichés... C'est vrai qu'il n'en manque pas, mais qu'importe quand on a affaire à une bonne mise en scène et à de vrais talents d'acteurs ! Loïc Corbery convient tout à fait au rôle de Clément. Mais il faut surtout encenser la performance d'Emilie Dequenne dans le rôle de Jennifer. C'est elle qui donne à ce film toute sa grâce et qui fait oublier les clichés. Après tout, les grandes comédies de l'âge d'or d'Hollywood n'étaient pas dépourvues, elles non plus, de clichés! Mais quand Lubitsch ou Hawks étaient à la manoeuvre et quand on voyait évoluer Gary Cooper ou Claudette Colbert, on oubliait tous les poncifs! Ici, la présence de d'Emilie Dequenne opère un miracle semblable! 8/10