Je savais bien en entrant dans la salle que çà ne finirait pas par « Ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants », romantique surement, mais pas naïve. Je voulais voir où Lucas Belvaux allait amener cette histoire d’amour presque improbable. En fait, avec le recul, c’est un film assez douloureux à regarder. Je m’explique… Cette jolie histoire d’amour entre le personnage solaire de Jennifer et le dandy philosophe cérébral Clément, on voudrait y croire, on voudrait qu’ils s’apportent l’un l’autre ce qui manquait à leur vie. Sauf que leurs différences sont telles que ce sont leurs failles qui leur explosent au visage. Le personnage de Jennifer est « sain », elle tombe amoureuse, elle s’attache de plus en plus, se met à faire des projets et à le surnommer « chaton » (ce qui est assez énervant d’ailleurs !), elle ne s’offusque pas qu’il soit plus instruit qu’elle, elle assume aimer la culture populaire face à son élitisme, bref, elle est elle-même et elle se met à nu pour lui. Emilie Dequenne l’interprète de façon très naturelle, elle pétille, elle irradie, n’importe qui tomberait amoureux d’une fille comme elle. A côté, le personnage de Clément est fermé à double tout, complètement indéchiffrable, on ne devine pas bien jusqu’où vont ses sentiments (et en a t’il réellement, d’ailleurs ?), on ne sait jamais jusqu’où il n’est pas condescendant avec elle, on est toujours à se demander s’il ne se moque pas gentiment d’elle, de ses gouts, de son mode de vie. Ce déséquilibre entre eux met mal à l’aise car on sent bien que l’un aime plus que l’autre et que c’est forcément celui-là qui va dérouiller ! Loïc Corbery, un acteur qui m’est parfaitement inconnu, incarne très bien cet homme ambivalent et indéchiffrable. Comme Jennifer, on aimerait l’aimer, mais on ne sait jamais avec certitude ce qu’il pense et s’il est sincère. J’imagine que c’est un rôle difficile à incarner pour un comédien. Il faudra à Jennifer deux électrochocs pour qu’elle comprenne qu’elle n’a pas aux yeux de Clément l’importance qu’elle espère, deux retours brutaux sur terre. Le premier électrochoc, quand elle découvre qu’il a écrit un livre et qu’il le lui a caché, est la révélation pour elle du fossé intellectuel qu’il y a entre eux. Mais ce n’est pas suffisant pour renoncer à aimer… En revanche, le second est imparable, et croyez moi sur parole, ce retour sur terre là est terrible ! Lucas Belvaux utilise la musique de façon intéressante, à travers des scènes de Karaoké dont les chansons sont choisies avec une certaine pertinence, et qui montre au passage qu’Emilie Dequenne chante super bien ! Mais Lucas Belvaux ne peux s’empêcher de tomber dans un travers déplaisant, celui dans lequel Xavier Giannoli était tombé lui aussi avec « Quand j’étais chanteur », il décrit la province comme un parisien. Il se sent obligé d’en faire un poil trop avec ses personnages, Jennifer à appelé son fils Dylan (c’est bien connu, dans les milieux populaires de province, on choisi des prénoms américains !), elle danse en boite sur des chansons des années 70 et 80 (c’est bien connu, en province, dans les boites, on a 30 ans de retard !), les poivrots du Nord-Pas de Calais chantent dans les rues des chansons rigolotes (c’est bien connu, en province quand on est ivre, on ne vomit pas, on ne se bat pas, on chante « Tiens voilà du boudin ! »). Bref, à tort ou a raison, je décèle dans le film de Lucas Belvaux un chouïa de condescendance, çà ne gâche pas le film, c’est juste dommage…