Avec humilité, patience et minutie Stéphane CAZES a accumulé dix ans durant les témoignages, rencontré les différentes figures du milieu carcéral. Il en a écrit un scénario peaufiné et juste ; comme ciselé au papier de verre. Il a rencontré les protagonistes, et réalisé un film qu’il travaillait et qui le travaillait depuis sa sortie de l’école de cinéma.
Ombline n’a rien d’un documentaire aux dérives naturalistes ; c’est une fiction intelligente et très sensible qui on l’espère donnera le la aux prochains longs métrages partout sur terre où la problématique tournera autour de la prison.
Stéphane CAZES a en effet compris qu’au vingt et unième siècle, la vérité des détenuEs se trouve dans la possibilité de se construire, voire d’advenir entre les murs.
Il s’agit ici de l’accomplissement d’une jeune femme enfermée avec son bébé, LUCAS, né pendant sa détention.
Nul misérabilisme, mais des façons de surmonter les épreuves derrière les barreaux, coincée entre les rapport conflictueux, menteurs ou complices des détenues, prise sous l’étau d’une administration pénitentiaire rigide et souvent sourde, lourde et lente, Ombline opposera, imposera son expérience de mère comme résistance à tous les murs.
Son expérience de mère vécue ne véhicule aucun stéréotype ni clichés habituels sur ce sujet, mais au contraire est décrite avec une nudité humaine rarement rapportée sur les écrans.
Dans ce film, la mièvrerie et les bons sentiments n’ont pas de place, il n’est ici privilégié que ce qui est légitime dans des scènes bouleversantes, parfois violentes, et d’autres scènes qui sont réconciliation avec le monde et porteuses de joies.
Mélanie THIERRY se montre d’une justesse assez exceptionnelle et porte le film d’un bout à l’autre.
Les filles qui l’entourent ont des accents, des gestes, des habitus de zonzonardes qui sonnent juste, et c’est un véritable plaisir de les regarder intactes dans ces petits riens qui fondent la crédibilité de la démarche du cinéaste et légitiment les images et les sons, bref la vie, de sa création.
Si on est méchant on dira que le portait des surveillantes est peut-être un peu trop dur face à la réalité qui est tout autre, et c’est une ancienne cavaleuse et reprise de justice qui vous le dit ici, mais CAZES a su montrer aussi la pluralité des comportements du personnel de détention et certaines figures cassent avec superbe l’image monochrome proposée dans les débuts du film Un film prenant, poignant, innovant.
Une nouvelle génération de réalisateurs est donc venue nous raconter des choses que nous n’avions pas regardées encore sous ce regard saisissant, lucide, obsédant.
Cette génération descendue de son arche pour tout reconstruire tandis que les détenuEs en grandissant à l’ombre de leur cellule nous apprendront désormais à vivre dehors...
Brigitte BRAMI - auteure de La Prison ruinée -