Avec "Renoir", Gilles Bourdos nous propose un biopic réussi et original, sans toutefois révolutionner le genre. Première originalité : le titre "Renoir" ne contient que le patronyme, sans prénom : il s'agit là en fait d'une évocation de deux Renoir, Pierre-Auguste le peintre, ici en fin de vie, et son fils Jean, revenu du front et encore loin d'être le cinéaste mondialement connu. Un biopic "deux en un" donc, et même trois : il faut y ajouter Andrée, dernier modèle du peintre et future compagne du cinéaste. Bourdos centre son récit autour de quelques jours, en pleine première guerre mondiale, refusant clairement le biopic conventionnel de la naissance à la mort. Pourquoi ce choix d'un triangle de personnages différents? Il me semble que le film cherche à questionner la filiation entre le père et le fils, à travers le point de vue d'Andrée, qui les fascine tous les deux. De même, Bourdos peut chercher une filiation entre le cinéma et la peinture, et propose d'ailleurs une mise en scène cohérente, qui pourrait presque être qualifiée d'hybride, "semi-picturale et semi-cinématographique". Je me suis régalé devant la qualité de la photographie, sublimant les paysages de la côte d'azur en cherchant une pose presque impressionniste, jouant à transposer le style de Renoir via la caméra. La mise en scène ne s'aventure cependant pas au-delà des conventions, et ne pousse pas jusqu'au bout cette recherche de cinéma pictural. De même, je regrette que la dualité entre l'art de la fixation (peinture) et l'art du mouvement (cinéma) ne soit pas plus développé, la rencontre entre les deux Renoir donnant un avantage assez rapide au peintre. C'était pourtant un beau sujet à traiter visuellement. Idem avec la différence entre celui qui ne se concentre que sur la beauté, refusant la réalité du monde, et celui qui l'affronte, en partant au front. Là où le réalisateur réussit mieux, c'est dans sa façon de filmer Andrée, à la fois modèle de Pierre-Auguste et amante de Jean. Il y a là un vrai travail sur le visuel, les regards, le mouvement et la fixité du corps féminin face à la caméra. Une manière de rapprocher peinture et cinéma dans leur fascination pour une muse. Comme le père et le fils Renoir, comme Bourdos peut être, on tombe amoureux de cette femme fatale, qui apparait comme venue d'ailleurs dans la tour d'ivoire paisible des Renoir, et incarnée avec grâce par Christa Théret. Puisqu'on parle des acteurs, difficile de ne pas évoquer Michel Bouquet, qui dégage énormément d'émotions tout en restant d'une tranquillité impressionnante. C'est pour ces acteurs, et pour les belles images, que le film vaut la peine. Des images cherchant à tracer un pont entre cinéma et peinture, sans y arriver, mais sans totalement échouer non plus.