Le film vaut davantage pour son approche délicate, sensuelle et esthétique de cet épisode de la vie du peintre, que pour ses développements en matière de psychologie ou d'histoire de l'art. Le réalisateur Gilles Bourdos a su capter les charmes et les tourments de cette période paradoxale pour le peintre, entre souffrances physiques, morales, et plaisirs contemplatifs, émoi charnel, inspiration créatrice. Il dépeint un havre de paix bucolique en temps de guerre. Il dépeint aussi une relation filiale marquée par l'admiration et la frustration, les interdits latents, l'affirmation identitaire. Tout cela s'inscrit dans un cadre magnifiquement pictural, baigné d'une lumière chaude, douce, et s'anime par une mise en scène agréablement fluide et ponctuée de touches poétiques. On se laisse bercer avec plaisir. Il manque cependant un peu d'épaisseur, de profondeur, pour que le film soit vraiment abouti et marquant. Cela tient probablement au choix d'orientation dramatique. Bourdos avance sur plusieurs pistes en parallèle : le portrait d'un peintre reconnu, la relation entre un artiste et sa muse, la relation entre un père et son fils, le portrait d'un jeune homme qui se cherche, doublé d'un cinéaste en devenir... C'est bien senti, toujours intéressant, mais le scénario peine à dépasser le stade de l'évocation dans chacune des voies qu'il explore. Le portrait d'Auguste Renoir, par exemple, se limite à quelques aphorismes et paradoxes : l'artiste qui défend une conception "ouvrière" de son art tout en se faisant appeler "patron" ; le vieil homme qui cherche à peindre comme un enfant, qui conçoit la peinture comme une chose "aimable" et "heureuse", imperméable à la misère du monde... Michel Bouquet donne toute sa subtilité au personnage, mais son talent aurait mérité un texte un peu plus riche. Christa Theret convainc par sa plastique et son tempérament, plus que Vincent Rottiers, assez falot. L'ensemble impose sa facture honnête, tantôt appliquée, tantôt inspirée, faite de jolies choses sans fulgurance.