Les critiques ne reflètent pas le portrait du spectateur moyen de ce film, dont je suis. On y va pour voir du cul, en long, en large, et en travers, sous prétexte de film d'auteur. Peut-être est-ce par lâcheté de ne pas franchir les portes d'une vraie salle porno, ou la recherche illusoire d'un cinéma porno intello-éducatif à la Ovidie... Peu importent les motivations. Et donc il y en a, ouais, ça ne manque pas. Ce n'est pas sulfureux comme l'unique scène de fellation du Brown Bunny de Vincent Gallo, la technique est celle de la quantité. Sur la forme impossible de ne pas penser aux Larry Clarck. Sur le fond il y a ,esquissé timidement, une scène où nos jeunes serbes scandent un antiaméricanisme alors que leur mode de vie est une caricature extrême du consumérisme étasunien MTV, et il y a, répétitivement sur le mode de la fuite en avant, une façon compulsive de se saouler et d'utiliser ce que Dieu nous a donné entre les jambes. Il apparaît que la filmographie serbe comporte quelques références de films crus dérangeant, et que la jeune réalisatrice s'inscrit dans ce mouvement. Pourquoi pas? A partir de là, certains y verront l'expression angoissée de l'adolescence à l'heure de la perte des repères traditionnels par la mainmise du supranational sur les politiques, et par les conséquences de la prolifération des nouvelles technologies de circulation de l'image sur les rapports sociaux. C'est ce que veut être ce film. On dit que dans un cadeau c'est l'intention qui compte. On dit que c'est celui qui aime qui a raison; heureux les fans du message de Clip, qui, oui, a de nombreux échos dans la vie authentique. D'autres jugeront cette débauche de zooms et de comportements irresponsables comme une simple source d'ennui. C'est ce que ce film est. Il y a peu d'amour dans tout ça? C'est surtout qu'il y a beaucoup d'amour broyé. Avec moins de sexe, Larry Clarck nous offre des œuvres plus viscérales sur la perdition juvénile, et sur l'amour adolescent où meurt l'innocence infantile, et c'est jamais bon de mourir pour une époque de la vie, mais souvent nécessaire. La tragédie vient du fait que si aucune époque de vie ne vient efficacement remplacer la précédente, par faute de la société ou incapacité personnelle, cela devient un chant du cygne, car même si on ne meurt pas vraiment c'est l'épisode majeure de référence d'une existence. Clip reprend cette pose. Je ne dirais pas c'est bien, ou c'est mauvais. J'y étais allé pour voir du cul, et j'en ai vu.
Je me suis également inquiété pour la gamine de 14 ans, cela n'empêche pas... La force du film tient peut-être dans les acteurs pornos ayant doublés les pénétrations. Gloire à eux, techniciens de l'ombre... Les décors sont de Donald Caldwell et Roger Hart.