Film extrêmement mineur, volontairement placide et loin des envolées jusqu'au-boutistes d'un Rosemary's Baby, La Neuvième Porte n'en demeure pas moins très plaisant. En dépit de son sujet potentiellement angoissant, c'est en fait un film confortable, dans lequel se laisser aller est plus facile que nulle part ailleurs. Sans manquer de finesse dans ses dialogues et aller trop vite à la simplification (même s'il n'est pas non plus un labyrinthe touffu censé impressionner et faire perdre pied), ce Polanski séduit en fait par ses allures débonnaires, déroulant tranquillement son récit d'un personnage à l'autre (avec Depp et son allure étrange comme fil conducteur et voie d'entrée) avec un vrai sens de l'aventure, bien aidé en ce sens par l'humour particulier à Polanski, qui évite tout aspect pesant. Par sa conclusion hâtée et incertaine également, on comprend que Polanski cherche bien plus à flirter avec l'ésotérisme et le fantastique qu'à réellement s'y plonger, à surfer sur la frontière entre le réel et les fantasmes qui nous en sortent parfois. Un peu comme une lecture au coin du feu, La Neuvième porte touche peu profondément, puisqu'on peut facilement s'en extraire, mais il possède le même état d'esprit indolent, celui qu'on a quand on rêvasse, d'un peu loin, à un autre monde que celui qu'on connait un peu trop bien. En plus, dans tout ce long-métrage sympathique, émergent même quelques moments d'inspiration réelle, qu'ils viennent de Polanski lui-même et de sa mise en scène, ou plutôt de la photographie de Darius Khondji et de ses contrastes évanescents. On croirait, à l'approche du final, voir Depp pénétrer un tableau, et franchir sans s'en rendre compte une limite qu'on n'effleure d'ordinaire jamais que par la création ou le songe. Bref, si ces moments de grâce subreptices contrastent avec le reste d'un film pas vraiment bouleversant, ils poursuivent pourtant, comme des prolongements en pleine prolifération, le même mouvement de contamination entre le connu et l'imaginaire, assez engourdissant pour l'esprit sans jamais venir assaillir celui-ci sous une montagne baroque qui le prévient trop vite que ce qu'il voit cessera d'exister avec la fureur de sa représentation. Sympathique et assez subtil, un film qui fonctionne en sous-main, et ouvre sur le fantastique une porte qu'il nous invite à pénétrer, un sourire aux lèvres.