Lorsque la Fox entend concurrencer les principaux dominants du marché du film d’animation, elle s’attache les services de Guillermo Del Toro, producteur dont le simple nom évoque réussite financière et publique, du moins en apparence. Le grand nom du cinéma mexicain soustraite alors la réalisation à un certain Jorge R. Gutierrez, ce dernier livrant alors un produit conforme aux attentes. Quelque part entre le patchwork hallucinant de Little Big Planet, les productions chantantes et didactiques de Disney et l’univers impayable des saints folkloriques mexicains, La légende de Manolo, ou plus logiquement, The Book of Life, n’est qu’une surprise nuancée. Dans l’idée, cette approche mexicaine des légendes s’avère plutôt payante, tant l’apparition de la Santa Muerte et de son rival dans les limbes renvoient à une culture populaire quasiment mystique dans les rues et Barrios du pays de la Tequila. Oui, Gutierrez et Del Toro aiment leur pays et lui rendent ici la pareille, offrant un hommage au folklore, dérive catholique, qui marche à plein régime au sud du Rio Grande.
Soulignons tout de même que représenter la Santa Muerte comme une forme de sagesse est un pari risqué, notamment lorsque l’on saisit ce que la dame incarnant la mort représente dans les cercles ultraviolents de la criminalité paramilitaire au Mexique. Mais enfin, là n’est pas le propos. Le Mexique aime son folklore et on le constate ici aussi sûrement que les chansonnettes poussées par le dénommé Manolo sont des répliques niaises de la culture Disney, façon M. Pokora. Oui, là ou brille DreamWorks en tentant au maximum de s’éloigner des productions aux grandes oreilles, la Fox, elle, tombe dans le piège. Les quelques séquences musicales tombent ici littéralement à plat, handicap notoire qui décrédibilise l’ensemble qui lui s’avère plutôt original.
Autre caractéristique mentionnée plus haut, le film s’oriente vers un esthétisme très similaire à celui en carton et tissu du célèbre jeu de plateforme Little Big Planet, façon Toy Story ou Pinocchio. Oui, The Book of Life possède de drôles de caractéristiques visuelles, forcément indépendantes tant elles sont curieuses. Les personnages sont donc très réussi, d’un strict point de vue artistique, du moins nettement mieux réussi que les décors et arrières plans, souvent lacunaires. En effet, la profondeur de champ n’est que rarement mise à profit, sans compter sur un jeu de lumière souvent minimaliste. En gros, nous sommes assez loin ici des modèles du genre, travaux colossaux qui pourtant valent la peine d’être correctement exécutés. Un peu de tout, donc, dans ce film d’animation qui trouve son réel intérêt dans cette caricature du folklore mexicain et éventuellement, de par son histoire plutôt sympathique.
Mais cela n’est pas suffisant pour prétendre à faire de l’ombre à la concurrence, d’autant que le film délivre un message niais à l’égard des corridas. Oui, concédons que tuer un taureau dans l’arène, c’est moche, mais de là à en faire un couplet sirupeux et bourré de bonne intention, cela en valait-t-il la peine? En somme, ici, un héros de guerre peut massacrer autrui mais un Mataró ne peut achever son taureau. Allez comprendre. Voilà un peu ce qui ressort de cet essai partiellement réussi, mais alors que partiellement. Souvent niais, le film de Jorge R. Gutierrez ne fera pas date, incontestablement, mais il démontre pour autant l’importance de la culture mexicaine aux Etats-Unis, notamment, ou un gros distributeur fait le pari d’ancrer son projet onéreux dans cette dernière. 08/20