Le prolifique Michael Winterbottom raconte l’histoire de Paul Raymond, l’Anglais le plus riche de la Couronne, un drôle de personnage qui a fait fortune dans le spectacle et les revues érotiques. Sujet en or, acteur en or, film un peu trop conventionnel. Dommage.
C’est Steve Coogan, lui-même, qui a amené le sujet à Winterbottom et cela se sent, le rôle est totalement taillé pour lui. La collaboration entre l’acteur et le cinéaste a souvent permis, à l’un et l’autre, de donner son meilleur. Après Coogan patron de label indépendant (24 Hour Party People), Coogan acteur de seconde zone narcissique (Tournage dans un jardin anglais) et Coogan en Coogan devenant critique gastronomique le temps de The Trip, voici donc Coogan patron de cabaret érotique. Les films passent et le personnage semble néanmoins identique avec son humour et cette morve so british. Comme à l’accoutumée, l’acteur est parfait mais Winterbottom a tendance à se reposer sur le brio de son interprète principal. Tout comme, il semble se reposer beaucoup sur son sujet et l’imagerie qui s’y rattache naturellement. A Very Englishman est un vrai biopic, celui de Paul Raymond, le King of Soho qui a fait progressivement fortune, de 1958 à 2008 (date de sa mort) avec ses cabarets puis ses revues érotiques. Une vie de réussite financière qui se paye fort sur le plan familiale – avec Debbie, la fille de Paul Raymond (Imogen Pootss, très bien) comme dommage collatéral.
Le sujet étant posé, on imagine déjà le film : le parcours d’un self-made man, une vie d’excès, de sexe, de drogue, et en toile de fond pittoresque, le swingin’ London, les années 60, les années 70 mais aussi les années noires des années 80 et 90 avec une fille ne trouvant pas sa place dans cette drôle de famille et cette vie d’excès. Et finalement, le film ressemble exactement à cela, dans une mise en forme honnête, séduisante par moments mais aussi un peu poussive. Winterbottom est un pilotage automatique, se suffisant parfois de son scénario, de ses acteurs et des codes du genre biopic. Sans démériter, A Very Englishman souffre de la comparaison : Winterbottom avait su donner autrement plus d’originalité et de malice à son autre biopic, 24 Hour Party People. Mais même en allant plus loin, Larry Flint posait une problématique plus forte ; Madame Henderson présente avait plus de panache et que dire de Casino, sur un sujet différent certes (il n’y a aucune mafia ici) mais épousant la même dialectique contradictoire (succès outrageux, descente aux enfers) : le film de Scorcese était un opéra, là on est plus dans l’opérette tendance cul et sniffette. Rien n’y fait, A Very Englishman reste un film conventionnel, y compris dans cette idée que la réussite bigger the life d’un homme se paye d’une manière ou d’une autre. On regarde le film poliment mais sans réelle passion.