Dans la lignée des magnats de la fesse que peuvent être Larry Flint ou Hugh Hefner, il y a aussi le dénommé Paul Raymond, homme d’affaire britannique, promoteur de l’érotisme et d’une pornographie toute mitigée au temps d’une Angleterre puritaine et à cheval sur ses principes. Michael Winterbottom, le curieux metteur en scène de Killer Inside me, dresse là le portrait de cette homme extravaguant, homme le plus riche du Royaume-Uni il fût un temps. Osé, vintage, A Very Englishman n’est pourtant que rarement vulgaire, malgré sa ribambelle de seins nus, ses nombreux dialogues explicites. Le marché britannique de l’érotisme est alors, dans les années 50, 60 et 70, en pleine expansion, une ouverture sociale initiée par Raymond.
Sans laisser réellement de place aux détracteurs du mouvement, Michael Winterbottom dresse le portrait du magnat à une vitesse effarante, ne s’arrêtant pour souffler que lorsque la complexité de la liaison unissant le père et la fille le nécessite. L’évolution de l’industrie de Paul Raymond est fulgurante à l’écran, jonglant d’une nouvelle idée à une autre en passant du bon temps, au lit, dans des fêtes, bref un monde paradisiaque pour personnages peu scrupuleux. Pourtant, malgré que le rythme soit soutenu, pour le moins, le cinéaste parvient à faire de son récit biographique quelque chose de très lisible, tout y étant évoqué, dans un ordre chronologique. Des clubs de Soho aux magazines pornographiques, des spectacles nus au revues écrites, tout y passe sans qu’aucun aspect ne soit négligé.
De fait, si le film manque cruellement d’intérêt, sans doute du fait que l’érotisme ne soit plus, au contraire du porno, un sujet tabou, Michael Winterbottom fait son travail de la plus admirable des manières. Bien aidé qu’il est par son comédien, Steve Coogan, absolument excellent, le cinéaste rempli son contrat les doigts de pieds en éventail. L’on n’attendait certainement pas de se part un film aussi académique. Pour en revenir à l’acteur principal, le trop méconnu Steve Coogan, saluons sa prestation très kitsch mais jamais euphorique. Le comédien aura su cerner, sous l’emprise de son directeur, le caractère exubérant mais très humain de Paul Raymond, magnat peu scrupuleux, adultère, volage et peu regardant sur son passé. La scène clef se situe finalement en milieu de parcours, lorsqu’un jeune homme vient frapper à sa porte, lui apprenant qu’il est son fils. Peu troubler, Paul Raymond en discute comme d’un fait anodin.
C’est finalement la présence continuelle de sa fille dans son dos qui rappellera à Paul Raymond que la vie n’est pas toujours idyllique. Le drame que vit et vivra sa fille renverra le bonhomme à ses remords cachés, à des regrets, sans pour autant tuer sa force de vivre. Portrait donc d’un homme étonnant, culotté, peut être mauvais, à première vue, mais plutôt bon gaillard dans le fond. C’est du moins l’image que donne le film à Paul Raymond, un film qui ne manque pas de qualité, de divertir son petit monde très habilement. Sans doute trop sage, le film de Winterbottom ne restera pas dans les mémoires bien longtemps, mais l’essai est concluant. 11/20