"Au beau royaume d’Arendelle apparue une reine, aux pouvoirs secrets si puissants qu’elle vécu dans la solitude et la peine. Mais la force longtemps cachée, un jour, fut libérée. Et sous une neige éternelle, le pays tout entier resta figé !"
Depuis le début de cette nouvelle décennie, les Walt Disney Animation Studios poursuivent assurément la quête d’un nouvel âge d’or. Après Les Mondes de Ralph (2012) de Rich Moore et le renouement du conte de fée classique avec Raiponce (2010) de Byron Howard, jamais un film d’animation n’instaurait autant d’excitation, mettant patience et enthousiasme à rude épreuve. La Reine des Neiges (Frozen), Disney de Noël 2013 – avec une histoire qui s’y prête complètement –, constitue une avancée grandiose du studio dans l’histoire de l’animation numérique tout en conservant les codes classiques du genre instaurés dans les premiers chefs-d’œuvre comme Blanche-Neige et les Sept Nains (1937) ou Cendrillon (1950) : scénario émouvant, personnages charismatiques et chansons entraînantes. Par le biais d’une promotion magistrale, la major américaine prouve encore son habilité à surprendre et à préserver son spectateur ; d’ailleurs, la découverte du long-métrage réalisé par Chris Buck (Tarzan, Les Rois de la Glisse) et Jennifer Lee contribue à un surplus de rêve non-négligeable, soit plus d’une heure quarante, en cette fin d’année pourtant si riche en remarquable production Disney (Le Monde Fantastique d’Oz, Monstres Academy…). Rappelons également qu’il sera théoriquement précédé par le court métrage Mickey, à Cheval de Lauren MacMullan. Sans étonnement, La Reine des Neiges doit être considéré comme un ouvrage exemplaire tant les points positifs sont nombreux dès son enivrante introduction. Place à l’hiver et laissez dès à présent la magie opérer !
Le jour de son couronnement, Elsa dévoile inconsciemment ses pouvoirs glaciaux à l’ensemble de la population. Contrainte de quitter le magnifique royaume d’Arendelle, elle plongea involontairement ce dernier dans un hiver éternel. Seule sa tendre sœur, la princesse Anna accompagnée de Kristoff et son fidèle renne Sven, saura faire entendre raison la Reine des Neiges. Ainsi se lanceront-ils dans une aventure emplie de magie et de rencontres inattendues dont un attachant bonhomme de neige : Olaf.
Inspirée du conte éponyme de 1844 du célèbre écrivain danois Hans Christian Andersen, cette haletante histoire, préalablement attirée par le passé par Walt Disney lui-même, a été scénarisée par sa coréalisatrice : Jennifer Lee, également scénariste de l’imposant (Les) Mondes de Ralph sortie en 2012 soutenu par Shane Morris. Pourtant extrêmement éloignée de l’œuvre d’origine, cette adaptation se retrouve effarement plus intense notamment dans les leçons moralisatrices qu’elle délivre comme l’amour fraternel ou le simple don de confiance. La différence majeure avec le conte et des interprétations précédentes (Lumikuningatar de Päivi Hartzell ou The Snow Queen de David Wu), traduisant l’unicité et l’originalité de la version de Buck, repose ainsi sur la clé – et succès – du film : la relation qui unit Anna à Elsa. Egalement, l’adaptation préserve quelques mystères qui permettent au spectateur de la compléter par sa propre vision.
Année après année, les animateurs semblent s’approprier davantage les logiciels informatiques du modelage et de l’animation 3D devenus aujourd’hui indispensables dans la production des films d’animation. Il n’est guère déroutant de voir associer les noms de John Lasseter et de Peter Del Vecho à cet immense projet initialement prévu en animation traditionnelle 2D. Le choix de la technique est la première question que l’on se pose ; finalement, si La Reine des Neiges a été réalisé en animation 3D – bien que l’on distingue quelques éléments 2D –, c’est que celle-ci apporte ce petit plus à la création finale. La technique utilisée n’est jamais choisie au hasard et surtout chez Disney… De manière plus détaillée, par exemple la beauté et l’immensité des décors montagnards, du château semblable à celui de Disneyland à la forêt hivernale autrefois printaniers, instaurent une atmosphère véritablement féérique. Atteignant un haut degré d’authenticité, le studio revendique l’hyper-réalisme qu’il exploite depuis sa création. Les textures dévoilent le travail très ardu de l’équipe, presque aussi convaincants que sa filiale Pixar. Et pour cause, l’élaboration de La Reine des Neiges constitue en soit une aventure passionnante (voyage de l’équipe dans les pays hivernaux, étude du comportement d’un véritable renne…). L’ensemble représente une activité colossale dont seul l’acharnement permet d’obtenir les résultats escomptés.
Si l’on redoutait une ressemblance trop frappante avec Raiponce, le résultat s’en écarte totalement. Certes, les personnages peuvent paraître similaires, mais chacun possède les caractéristiques qui lui sont propres. Par exemple, il est très facile de distinguer Kristof de Flynn Rider ou Raiponce de Anna. D’ailleurs, les princesses seront de loin plus ressemblantes à Mérida dans Rebelle (2012) qu’une Aurore dans La Belle au Bois Dormant (1959). Quoiqu’il en soit, le long métrage met en scène des personnages très attachants, de ses princesses, comme Elsa, ni gentille ni méchante, davantage féminisée incarnant le respect aux créatures fantastiques, dont d’adorables petits trolls. L’animation, notamment des visages, est nettement plus poussée par rapport aux précédentes œuvres, affirmant la constante évolution du studio dans la modélisation 3D. Le personnage à lui seul ne fait pas tout ; il y a généralement une voix pleine d’énergie qui se cache derrière. La version originale offre une prestation lumineuse d’Idina Menzel (Il était une Fois, Wicked, Rent) et Kristen Bell (Thérapie de couples, Veronica Mars) à travers des voix pleines de grâces où l’on décèle toute sensibilité tandis que celle d’Olaf, ressemblante à celui de La Muraille dans Le Bossu de Notre-Dame (1996) de Gary Trousdale, accentue l’humour du film. Il est fort à parier que la version française sera tout aussi réussie, Dany Boon doublant le tendre bonhomme de neige.
Comme l’exige la plus grande tradition des films d’animation Disney, la musique occupe une place centrale dans la production. Alan Menken, compositeur oscarisé des plus dignes chefs-d’œuvre de Walt Disney comme La Belle et la Bête (1991), Le Bossu de Notre-Dame (1996) ou Raiponce (2010) plus récemment délègue cette fois-ci la précieuse baguette au canadien Christopher Beck, musicien qui vit son nom passer à la postérité depuis l’inoubliable Paperman. L’absence du maître musical n’était dès lors pas à déplorer, bien au contraire. En effet, la bande originale, de qualité enchanteresse dira-t-on, est soutenue par des notes scintillantes et des chœurs norvégiens resplendissants, assurant la libération forte des émotions des spectateurs. Semblables aux honorables compositions de Danny Elfman et aussi puissante que celles de Menken, la musique commémore les grands contes de fées propre au studio. Epaulé par le formidable duo Kristen Anderson-Lopez / Robert Lopez (The Book Of Mormon, Avenue Q), l’équipe mélodieuse, plus que de créer de mémorables chansons, délivre la définition même de la grande comédie musicale de Broadway. A titre d’exemple, les protagonistes dialoguent, parfois même en canon, par le chant, dont les fabuleux morceaux « For the First Time in Forever » ou « Let it Go ».
La Reine des Neiges combine sciemment action, amour, humour et aventure dans le style moderne. La production a beau être avant tout considérer comme un film d’animation humoristique, il n’en reste pas moins principalement un drame très prononcé. Ce mélange permet d’accroître efficacement l’expérience sensible du spectateur ; il ne sera jamais indifférent à chaque scène proposée. Par exemple, il est impossible de ne pas soutenir Elsa malgré son rejet, de ne pas laisser échapper de dire aux commentaires d’Olaf, ou même de simplement frissonner lors du terrible périple de Kristoff et Sven. La notion de sacrifice, de confiance et de trahison, plus que d’émouvoir, contribue à un questionnement de premier ordre ; le public, en phase de reconnaissance, sera particulièrement atteint par la relation fraternelle qui peut effectivement s’appliquer dans la vie de tous les jours. Sans réelles longueurs, les actions se suivent élégamment, offrant un rythme à littéralement couper le souffle. Inutile d’évoquer l’incroyable réaction à l’écoute de « Let it Go » », sans doute la plus belle composition de tous les temps, autant pendant le film que dans le générique par Demi Lovato.
Après La Petite Sirène (1989) de Ron Clements et John Musker, Les Walt Disney Animation Studios se consacrent brillamment à un nouveau conte du renommé Hans Andersen. La Reine des Neiges, entièrement digne de porter le nom de chef-d’œuvre Disney, est un film d’animation à découvrir obligatoirement en famille et mérite pleinement son entrée dans les parcs Disneyland et la dérivation de multiples produits. Si le visionnage auquel nous avons été conviés n’était pas en Digital-3D, il est fort à parier que le rendu devrait être de qualité. Les studios annoncés par le passé produire leur plus grande production depuis Le Roi Lion en 1994, force est de constater qu’il n’avait pas tout à fait tort, pour notre plus infini bonheur. Walt Disney ne pouvait guère nous offrir un meilleur cadeau de Noël !