Lecteurs, attention, je vais dévoiler ici les secrets du film !
Salut, je m'appelle James Wan, je suis le nouveau réalisateur en vogue cajolé par les médias, ou du moins c'est l'impression que ça donne, et je suis spécialisé dans les films qui font peur, du moins c'est l'impression que ça devrait donner. Mon dernier en date ? The Conjuring, les dossiers blabla. Ma recette ? Je prends une grosse poignée d'ingrédients ici et là, parmi tous les poncifs éculés (je reste poli quand même) du genre : une bonne pincée d'Exorciste, un très gros zeste de Poltergeist, un bon litron d'Amityville et ainsi de suite jusqu'à remplir la marmite, je n'ai absolument aucun scénario, c'est juste un mix de tout ce que vous avez déjà vu depuis trois décennies avec une vilaine sorcière en prime pour (essayer de) faire peur aux enfants. Je mélange un peu tout ça, sans conviction, car en plus je suis flemmard, je prends de gros effets spéciaux dégoulinants façon Sixième Sens, pour qu'on voit bien mes gros fantômes sanguinolents et peinturlurés juste en plein milieu de l'écran. Je filme tout ça vite fait mal fait, déjà que je ne suis pas inspiré et que je n'ai pas une once d'imagination, faudrait pas en plus que je retourne les scènes ratées et que je perde tout le bénef en repoussant la date de sortie, d'autant que là, il faudrait retourner le film tout entier. Je me limite donc à ce que je sais faire le mieux : un max de portes qui claquent et d'ampoules qui sautent dans une bicoque à l'ancienne façon bicoque hantée type, de regards faussement horrifiés et de beuglements stridents de terreur factice devraient faire l'affaire. Bon, je fais quoi maintenant ? Ah oui, je fais réaliser une chouette affiche cinéma avec la bicoque perdue dans la brume, j'estampille le cliché avec la mention "inspiré de faits réels" et je convoque mes amis de la presse qui s'empresse de hurler au chef d'œuvre, le nouveau monument du cinéma d'épouvante depuis Amityville...
J'en tremble encore.
Sérieusement, le jour où un réalisateur inspiré aura l'envie de faire un vrai bon film d'épouvante, je crois qu'il cherchera un scénario solide avec une vraie, sinon réelle, bonne histoire (un drame crédible de préférence !),des personnages aux profils psychologiques fouillés, des dialogues intelligents et des acteurs capables de porter un tel projet. Il faudra aussi qu'il comprenne que le sentiment d'angoisse nait de ce qui est suggéré et jamais de ce qui est exhibé à l'image, qu'une simple ombre ou un reflet sont souvent bien plus effrayants qu'un visage grimaçant bleuâtre en plein milieu de l'écran comme on en a déjà vu des wagons. En règle générale, c'est pire que dans les fast-foods, ça dégouline de couleurs criardes dans tous les sens et ça fait mal aux yeux. Le seul film du genre qui, pour moi, réponde aux critères cités, c'est L'enfant du Diable, véritable thriller d'épouvante, film ô combien méconnu et sous-estimé avec le grand G.C. Scott, voilà un acteur qui était capable de porter un tel film sur son dos et de vous faire croire aux fantômes. Nanar suivant !