Lorsque « Saw » a déboulé sur les écrans américains en 2004, rien n'avait préparé James Wan à un tel succès. Le film a rapporté près de 46 fois son budget, engendré six sequel et propulsé son jeune réalisateur sur le devant de la scène horrifique. Il faut dire qu'aujourd'hui, le metteur en scène n'en est plus à son coup d'essai et dispose d'une filmographie de genre plutôt garnie.
« Dead Silence » et « Death Sentence », ses deux longs-métrages suivants, n'ont pas réitéré l'exploit malgré d'indéniables qualités. Tous deux affublés de moyens largement plus conséquents (20 millions de $), aucun n'a remboursé sa mise de départ sur le sol américain.
Avec son quatrième film, Wan a renoué avec le succès. « Insidious » est réalisé pour trois fois rien (1,5 millions de $) et triomphe au box-office à tel point qu'une suite est rapidement mise en chantier. Sa sortie est prévue pour le mois de septembre, peu après « Conjuring » qui nous intéresse ici.
Le premier semestre de 2013 témoigne d'une année fournie en cinéma de genre mais hélas peu en œuvres novatrices. Entre remakes, adaptations, suites, found footage et produits estampillés Jason Blum, l'inédit n'est pas souvent au rendez-vous. « Mamà », réalisé par Andrès Muschietti, fut l'exception de ce début d'année. Le nouveau film de James Wan est donc attendu au tournant avec son scénario original rédigé par les frères Hayes, responsables entre autres des scripts de « Whiteout », « Les Châtiments » et « La Maison de Cire ».
Synopsis Allociné : Avant Amityville, il y avait Harrisville… The Conjuring raconte l'histoire horrible, mais vraie, d'Ed et Lorraine Warren, enquêteurs paranormaux réputés dans le monde entier, venus en aide à une famille terrorisée par une présence inquiétante dans leur ferme isolée… Contraints d'affronter une créature démoniaque d'une force redoutable, les Warren se retrouvent face à l'affaire la plus terrifiante de leur carrière…
On peut affirmer d'emblée que « Conjuring » n'est pas un scoop en soi. Il n'en a d'ailleurs nullement la prétention ... Ce qui ne l'empêche pas pour autant d'être une réussite. Si les figures narratives ne sont pas révolutionnaires, c'est leur traitement qui parvient à insuffler un vent de fraîcheur. James Wan emploie des thématiques présentes dans ses précédentes moutures (la maison hantée, les cas de possessions, les légendes urbaines, les poupées, l'exorcisme...) mais il les met en scène ici avec un réalisme extrême, ne permettant à aucun moment de remettre en cause leur véracité. C'est grâce à cette authenticité que le film tire toute son efficience.
Les images ont, à ce titre, un fort pouvoir suggestif qui doit beaucoup à la réalisation virtuose. Entre travellings compensés, à 360 degrés, en vue subjective, retournés ou encore circulaires, le réalisateur maîtrise sa technique à la perfection pour générer l'angoisse et ce, toujours élégamment. Même les jumps-scare profitent de la roublardise du metteur en scène : en plus d'éviter soigneusement tous les clichés inhérents à ce procédé, il parvient à nous surprendre profitablement presque à chaque fois.
C'est aussi en choisissant de filmer cette histoire du point de vue d'Ed et Lorraine Warren, un couple de démonologues, que le long-métrage propose un niveau de lecture intéressant et plus original que ce qu'on a l'habitude de voir. Si l'introduction ressemble à celle de n'importe quel autre film du genre avec l'installation d'un couple et de leurs enfants dans une demeure reculée qui s'avère être hantée, la suite est loin d'être du même acabit. Lorsque cette famille fait appel aux Warren pour enquêter sur leur maison, le côté prévisible attendu s'estompe au profit de l'ingrédient principal : la peur. Wan évite scrupuleusement la psychologie de placard et les sous intrigues inutiles pour se concentrer sur l'ambiance et les frissons avec la maestria qui lui est propre.
Le réalisateur peut compter sur la prestation de ses acteurs. Ils dégagent tous les émotions nécessaires et suffisantes pour créer l'empathie du spectateur, qui se sent dès lors intimement concerné par les événements qui leur arrivent. Mention spéciale à Vera Farmiga, lumineuse en médium aussi forte que vulnérable face aux esprits des ténèbres.
La seule ombre au tableau provient de certaines pistes scénaristiques qui auraient gagné à être explorées plus en profondeur et ce d'autant plus qu'elles se rattachent avec fluidité à l'intrigue principale. L'épilogue en pâtit et se révèle du coup légèrement frustrant. Mais rassurez-vous : le champ est ouvert pour de potentielles séquelles.
Bilan : On savait James Wan très doué dans le genre. « Conjuring : Les dossiers Warren » ne fait que confirmer une évidence et permet au jeune réalisateur de franchir de nouveaux horizons à travers sa mise en scène. Flippant, « Conjuring » l'est assurément et promet encore de belles nuits devant eux aux ghost movies.