Alors que le long métrage commence par un plan incroyable, d’une beauté confondante, soleil couchant en arrière plan, Whitaker s’apprêtant à écraser le crane d’un homme à ses pieds à l’aide d’une pierre, l’ambiance du long métrage est ainsi donnée. On nous prévient donc que le film sera telle une chaleur abrupte et étouffante et que la perdition sera longue et difficile. Et pourtant ce premier plan nous ment quelque peu. Puisque dans la suite du film on n’a pas réellement la violence, l’étouffement, la chaleur pesante, le malaise omniprésent promis dans le plan d’ouverture. On assiste en réalité à un film terriblement uniforme, d’une continuité effarante et malheureusement trop attendue. Alors que certains films sont d’une mécanique incroyable, sorte de génie implacable et inarétable, offrant des films propres et formidables, « La voie de l’ennemi » perd en qualité de part cet aspect. Le long métrage est en réalité beaucoup trop calibré d’un point de vu technique. Certes le film de Boouchareb est propre, oui bien sur, mais il manque cruellement de rebondissement. « La voie de l’ennemi » est une rivière dans laquelle un monstre repose sur son lit attendant le moment propice pour fuser et nous révéler sa splendeur et sa décadence. Mais malheureusement dans ce long métrage ce bon moment n’arrive étonnement jamais. Et nous voila donc pris dans la mécanique imparable du film, vers sa fatidique et prévisible fin.
On ressent dans le long métrage l’influence certaine du cinéma américain, au travers de certains plans très américanisés, de part la direction artistique très sobre, ainsi que l’utilisation du décors et de la lumière qui ne font qu’embellir tous les plans du film. Nous voila donc dans un film américain artistiquement recevable et certainement passionnant sur le papier.
Et pourtant « La voie de l’ennemi » n’arrive pas à dégager grand-chose, si ce n’est une fois de plus une interprétation convaincante de Whitaker, grand acteur qui n’a plus à prouver son talent. Les enjeux étaient pourtant intéressants et bien présents. La quête de l’homme impur qui cherche rédemption dans la religion et pardon dans la société dans laquelle il essaye de retourner et de se réadapter, la confrontation entre deux ennemis d’un temps révolu, la remonté d’un triste, dangereux et honteux passé. Et pourtant malgré tous ces thèmes fédérateurs et largement exploitables le réalisateur ne se contente que de les effleurer ce qui l’empêche de donner une réelle dimension scénaristique et potentiellement passionnante à son film.
Ainsi on assiste aux bonnes prestations de trois acteurs américains de la vieille école, à un parcours d’une petite ville en plein milieu du Nouveau Mexique sur fond de critique du système de réinsertion américain. Le film sert au moins à ca, montrer et pourquoi pas dans un certain sens dénoncer les travers d’un système de réinsertions des prisonnier incertain, quelques peu bancales voir même parfois dangereux. On ajoute aussi à cela très furtivement la représentation de ce qui se passe au niveau de la frontière avec le Mexique et les nombreux problèmes que cela entraine.
Puis l’on ne finit pas un autre plan iconique, en réponse avec le plan d’ouverture, tout aussi majestueux et puissant mais beaucoup plus significatif. On observe cet ancien prisonnier qui après avoir renié la religion qu’il avait mit temps de temps à accepter en prison, monte une colline et disparaît. Cela sera le dernier plan de notre film. Cette colline qui symbolise tout le chemin parcouru et qui masque l’avenir. Ainsi ni le spectateur ni le personnage ne sait ce qui l’attend par la suite, et même si cela est aisément devinable, le réalisateur permet quand même à son spectateur de laisser parler son imagination et sa subjectivité.