Adaptation du livre de Michael Crichton "Le Royaume de Rothgar", le 13ème Guerrier est un film maudit pour son réalisateur John McTiernan. Véritable bide, il est un de ceux qui a amorcé le déclin artistique de celui qui était pourtant le meilleur réalisateur de film d'action de son époque. Car si après l'échec de Last Action Hero, McTiernan a pu rebondir avec le génial et jouissivement jouissif Die Hard 3; l'enchainement de ce 13ème Guerrier et ensuite de Rollerball fut le combo de la mort.
Tout d'abord comment ne pas évoquer le chaos qu'a engendré la production de ce film. Le réalisateur et le scénariste et producteur, Michael Crichton, s'entendaient comme chiens et chats car étant en constant désaccord quant à la direction que devait prendre le film. Crichton, ne supportait pas l'idée de se faire déposséder de son oeuvre par le réalisateur, et ainsi il alla jusqu'à retourner lui même certaines scènes dans le dos de McTiernan. Le même McTiernan qui dégouté finira par quitter le drakkar en flamme en pleine post production, laissant à Crichton le soin de se démerder avec le montage. Au final, le résultat de ce profond désaccord artistique est un film bâtard, bourré de qualités mais complètement pourri par des défauts directement imputables à l'incapacité des deux hommes de s'entendre pour proposer une oeuvre complète et aboutie. Car disons le, mais quand on regarde le 13ème Guerrier on est clairement devant un film non terminé dont la vision du montage final en a dégouté l'acteur Omar Sharif du cinéma pendant un long moment (comme quoi, cela n'a pas eu que des conséquences néfastes).
Alors pour être gentil je vais commencer par les qualités. Premièrement il faut saluer le boulot de Peter Manzies à la photographie qui a accomplit un travail magistral. Entre les scènes de pénombre entièrement éclairées à la torche, la diversité des ambiances, les paysages passant de la vallée verdoyante et ensoleillée à un champ de bataille noyé par la brume. Rien à dire, visuellement le film envoie du pâté. Et j'avoue ne pas être insensible au côté âpre de cette photographie.
L'autre qualité notable tient de la Bande originale de Jerry Goldsmith qui remplaça au pied levé Graemme Revell, viré par Crichton. Rien à dire le thème principal du film (repris dans Kingdom of Heaven dans la scène de l'adoubement des citoyens de Jerusalem) fait son effet et permet de faire grimper le taux d'epicness qui sans cette aide serait resté incroyablement bas.
Et enfin dernière grosse qualité : cette bonne idée du scénario que de se concentrer sur un héros... qui n'est pas LE héros de l'histoire. Ainsi le personnage de Antonio Banderas est avant tout le témoin actif dans cette aventure, son regard étant censé "sublimer" sur la fin le courage des Vikings... censé je dis bien.
Car là j'attaque le gros morceau de cette critique avec les point négatifs. Et bien pour commencer notons sa narration bancale au possible. Après une introduction complètement bâclée qui aurait pourtant été bien utile pour expliquer certaines "incohérences", le film enchainera les ellipses rendant le scénario d'autant plus incohérent au point d'en devenir débile par moment. On passera par le village composé uniquement de femmes, d'enfants et de vieillards vulnérables, qui d'un coup se peuplera d'un fils de chef tête de con, générateur d'une intrigue secondaire totalement inexploitée; ainsi que de quelques hommes forts dont l'un des plus puissant se fera bêtement tué par l'un des Vikings juste pour... bah on sait pas pourquoi. C'est pour faire l'exemple nous dit le film. Le pire étant la réaction des Vikings qui finiront par dire "Dommage, une bonne lame nous aurait été bien utile" comme si le film cherchait à surligner lui même à quel point il était mal branlé dans son scénario rendu chaotique par une narration aux abonnés absents.
D'ailleurs notons l'autre mauvais point de ce scénario qui est surement le plus gênant : pour un film tentant de sublimer le courage exalté de ces 13 Guerriers, il faut dire qu'il est un peu handicapant que ce dernier ne prenne pas davantage la peine de nous expliquer qui sont ces 13 Guerriers. Car hormis le personnage de Banderas, de Beowylf et du second de ce dernier, aucun des autres "compagnons" ne se verra le droit d'avoir un quelconque traitement. Sans déconner même les nains de Bilbo le Hobbit sont plus développés individuellement que ce collectif Viking. Bordel ces mecs vont en territoire hostile, affronter des monstres mi hommes, mi démons pour aider des inconnus et quasiment jamais on ne nous explique quelles sont leurs motivations ni même qui ils sont. Ces Vikings sont totalement vides, ils n'ont même pas l'honneur d'être des clichés. Grosso modo, ils sont là pour combattre et crever. Et c'est dommage car il s'ensuit un tels désintérêt pour les personnages qu'au final les quelques bonnes scènes intenses finissent par tomber à plat tant il est difficile de s'impliquer en tant que spectateur.
Mais bon on peut se rassurer en se disant "Allez c'est pas Joe le Clodo derrière la caméra, c'est McTiernan, au moins les scènes d'actions vont envoyer du pâté". Et là encore je suis tombé de haut, moi qui suis pourtant admiratif de la maitrise technique auquel le bonhomme nous avait habitué. Les scènes de batailles sont molles et tendent par moment vers l'illisible. La faute à des coupes de plan trop envahissantes nous empêchant de nous immerger dans ces batailles. La seule scène qui réussi à offrir du spectacle est le passage dans la caverne. En dehors de ça même la bataille finale, voir surtout la bataille finale, est loupée. Encore plus dommage pour cette dernière car il faut avouer qu'elle est précédée d'un des moments les plus grisant du cinéma à savoir la prière des Vikings (avec par dessus les notes de Goldsmith, autant dire que ça envoie du rêve pour la suite). Et que dire de la résolution de cet affrontement final, dernière insulte faite à l'intelligence du spectateur. Mais bon on pardonnera McTiernan pour ce coup là quand on sait qu'à la base il a imaginé une fin bien meilleure.
En conclusion on a une oeuvre profondément malade, gangrénée par les luttes intestines entre ses deux procréateurs. Et de ce divorce artistique, s'est élevé un film profondément perturbé. A voir, pour comprendre comment on peut foirer un bon sujet à force de mauvaise volonté.