Parlons du 13è Guerrier par Thor ! Voilà un film qu'il me tardait de regarder, car j'aime bien cette démarche assez incroyable qui consiste, par exemple, à bâtir UN VILLAGE ENTIER pour les besoins en décors. C'est cette démesure qui m'attire particulièrement dans le cinéma, raison pour laquelle j'aime bien les épopées grandioses comme Apocalypse Now, Ben-Hur ou je ne sais quoi.
Le scénario est... classique. En tous cas si vous avez vu Les Sept Samouraïs. Parce que franchement, c'est ça, mais version Viking, et avec 6 personnes en plus. Et bien sûr, ils doivent aller défendre un village contre une horde d'ennemis. Quand Roger Ebert écrivait que Les Sept Samouraïs était un film fondateur...
Mais la raison pour laquelle il faut aller voir le 13è Guerrier est je pense pour l'influence que ce film a eu sur le Seigneur des Anneaux ; que ce soit dans la construction des décors (ahurissants) ou dans la patte graphique, il y a une véritable influence du film maudit de John MacTiernan sur la trilogie de Peter Jackson.
Eh oui, « film maudit », voilà « le véritable mot de la situation » comme disait Victor Hugo (badge « Vieux schnok littéraire activé »). Ce film fut un calvaire à mettre en œuvre, surtout à cause du conflit entre le producteur (et auteur du roman d'origine) : Michael Crichton. Ce conflit fut tel que McTie a quitté le navire, n'en pouvant plus de voir sa créativité limitée par un producteur aux abois, lequel à eu, lui, toute liberté pour couper allègrement, respectant ainsi la devise des censeurs : coupez, coupez, il en restera toujours trop.
Hélas, ces coupes se ressentent, notamment, lors du début du film, beaucoup trop rapide : en moins de cinq minutes, hop ! Notre héros a rencontré les vikings. Et un peu plus tard, allez, on repart en Norvège ! Cela se ressent aussi à la fin, beaucoup trop précipitée (quoique cependant très forte), ainsi que dans certains effets spéciaux très moches et mal finalisés ; non mais ce n'est pas parce qu'on ne voit la ville de Bagdad ou un drakkar viking qu'ils doivent avoir l'air de sortir respectivement d'un tableau et d'un jeu vidéo ! Pour l'anecdote, avant de voir le film, j'avais vu un montage consacré à ce film et au « Beowulf » de Robert Zemeckis, réalisé en animation par motion capture. Et je croyais que les images du drakkar du 13è Guerrier venaient de Beowulf !
Reste que le film est tout de même superbe. Surtout grâce à une photographie somptueuse filmant tout à la lumière naturelle ; ainsi, les scènes de nuit sont FA-BU-LEU-SES et donnent du cachet à ce qu'elles représentent (en particulier la bataille nocturne : oh oui).
Sans compter que le scénario a la subtilité de faire du héros, un musulman ayant vraiment existé : Ahmed Ibn Fadlan, poète arabe, joué par Antonio Banderas. Contrairement à la bonne vieille tradition qui consiste à placer un occidental dans la position de découverte d'un monde étranger (jusqu'à s'y assimiler), ici le héros musulman découvre le pays viking, mais sans quitter ses traditions tout en acceptant certaines de celles des vikings. D'ailleurs, concernant le casting, je n'ai rien à dire, à part une mention spéciale pour Vladimir Kulich, acteur de Buliwyf, le chef des 13 guerriers.
De plus, j'aime beaucoup cette idée d'expliquer les mythes en les rattachant à des faits historiques. Ici, c'est la légende de Béowulf qui est expliquée, la (très belle) fin du film expliquant comment Béowulf est sorti de l'Histoire pour devenir un héros de légendes ayant, entre autres inspiré Tolkien. Comme quoi, la boucle est bouclée.
Et puis ce film dispose d'une bande-originale signée Jerry Goldsmith que je pourrais écouter sans me lasser pendant des heures. Épique, mais en même temps tragique, elle donne envie d'aller se battre pour défendre les siens et donne un parfum d'aventure. Bon, OK, ceci est dû à un changement de Mossieur Crichton, mais on lui pardonne pour cette fois, tant le rendu final est prenant.
Mais surtout, surtout, ce film contient deux scènes qui sont à placer au panthéon du cinéma. La première est la scène ou le héros apprend à parler la langue des hommes du nord (je n'en dis pas plus). Et la seconde est la prière des vikings et d'Ahmed, face à l'ennemi qui avance, scène sublimée par la musique de Jerry Goldsmith ; certes, on sent l'inspiration venue d'un certain barbare cimmérien, reste que cette scène est grisante, puissante, tragique, émouvante et épique. Dommage que la bataille qui en découle, bien qu'excellente, ne soit pas à la hauteur. Mais au fond, je m'en moque, je pourrais revoir le film des dizaines de fois rien que pour cette scène.
Au fond, peut-être que John Mac Tiernan devrait refaire des films comme celui-là, si on lui en donne les moyens ; sinon, on peut toujours espérer (contre toute espérance) qu'une version « Director's Cut » sorte un jour, afin que le film tel que le voulait MacTiernan soit enfin visible. En attendant, on peut aller se jeter sans crainte sur ce film, c'est de la très, très bonne came.