Considéré comme l’un des plus célèbres « grands films malades » du Septième Art, Le 13ème Guerrier de John McTiernan est sans aucun doute l’un des longs-métrages les plus maudits du cinéma et des plus frustrants quand on sait qu’on ne verra jamais la véritable version de son réalisateur. A la fois chef-d’œuvre inachevé et film raté massacré par son producteur, Le 13ème Guerrier n’en reste pas moins un film très intéressant à regarder et à analyser. En 921, le poète arabe Ahmed Ibn Fahdlan est nommé ambassadeur en Asie mineure par son calife, mais en réalité il s’agit d’un prétexte pour le contraindre à l’exil pour avoir séduit la femme d’un autre. Pourchasser par des barbares dans les steppes asiatiques, le jeune poète va alors faire la rencontre d’un groupe de guerriers vikings. Et c’est alors qu’une prophétie l’amène à devenir le 13ème guerrier d’une compagnie de treize vikings menés par Buliwyf, le chef de la tribu, pour aller porter secours au seigneur Rothgar, dont le village est régulièrement attaqué par une horde de démons, mi-humains mi-animaux. Au cours de ce long périple vers le Nord de l’Europe, Ahmed apprend la langue de ses compagnons ainsi que le maniement des armes et devra affronter ses propres peurs. Sorti en 1999, Le 13ème Guerrier fut malheureusement un nouvel échec pour le brillant réalisateur John McTiernan six ans après la sortie de son Last Action Hero en 1993, un excellent film d’action parodique qui fit un flop au box-office américain. Le metteur en scène réussira tout de même à se refaire une santé en 1995 avec le troisième volet de la saga Die Hard intitulé Une Journée en Enfer qui fut un gros succès mais cela n’a duré qu’un temps car la malédiction qui pèse sur le réalisateur fera son retour sur l’un des projets les plus ambitieux de sa carrière : Le 13ème Guerrier. Film qui aurait dû être son chef-d’œuvre absolu, Le 13ème Guerrier sera l’un des plus gros échecs de la carrière du réalisateur, un flop assourdissant au box-office : 32 millions de dollars de recettes aux Etats-Unis pour un total mondial qui s’élève à 61 millions de dollars le tout pour un budget énorme de 160 millions de dollars. Et à partir de ce moment-là, l’on peut observer une fracture dans la carrière du réalisateur qui ne connaîtra plus le succès de ses débuts derrière la caméra, hormis avec Thomas Crown et encore les critiques ne sont pas élogieuses. Tous les films qui succèderont au 13ème Guerrier seront des échecs commerciaux que ce soit Rollerball en 2002, bide intersidéral, ou Basic en 2003, dernière réalisation de John McTiernan qui n’a plus tourné depuis à cause de ses déboires judiciaires et de son séjour en prison pour des écoutes téléphoniques illégales. Mais revenons au film dont il est question ici, sans doute le dernier grand film de la carrière du metteur en scène ponctuée de films cultes tels Predator, Piège de Cristal, A la Poursuite d’Octobre Rouge, Last Action Hero ou encore Une Journée en Enfer. Le 13ème Guerrier aurait dû devenir le chef-d’œuvre de John McTiernan, mais l’Histoire en aura voulu autrement et ce film de vikings n’est devenu que ce que nous connaissons aujourd’hui à savoir un des plus mémorables « grands films malades » du Septième Art. Alors d’abord qu’est-ce qu’un « grand film malade » pour ceux qui ignoreraient ce dont il s’agit ? Cette expression fut inventée par François Truffaut lorsque celui-ci évoquait le film Pas de Printemps pour Marnie d’Alfred Hitchcock, et voici ce que disait Truffaut : « Un grand film malade : ce n’est rien d’autre qu’un chef-d’œuvre avorté, une entreprise ambitieuse qui a souffert d’erreurs de parcours.». En fait pour faire simple un film dit « malade » est un film terriblement ambitieux plein de qualités mais imparfait, réalisé dans la douleur et dans la tourmente de la production. Et Le 13ème Guerrier de John McTiernan en est l’exemple parfait. A la base le film est adapté du roman Eaters of the Dead de Michael Crichton, qui montre comment aurait pu naître la légende de Beowulf, et qui est lui-même inspiré du récit d’Ibn Fahdlan, un lettré d’origine arabe du Xème. Nous pouvons donc déjà voir que Le 13ème Guerrier est un ambitieux projet visant à retranscrire d’une manière réaliste la civilisation viking, la découverte d’une nouvelle civilisation avec une culture et une langue différente de celle du héros et l’installation d’une légende aussi mythique que celle de Beowulf. Mais voilà, le problème c’est que l’homme qui est l’auteur du roman dont s’inspire le film, Michael Crichton, va être la cause de tous les problèmes que possède le film de McTiernan. Les deux hommes ne pouvant s’entendre durant le tournage et la version de McTiernan obtenant des avis mitigés, Michael Crichton eu l’autorisation d’effectuer quelques reshoots notamment ceux intégrant le chef des Wendolls et le combat entre Buliwyf et la mère des Wendolls. John McTiernan ne supportant pas que l’on massacre son film quittera le projet, le contraignant à laisser les raines à Crichton qui ira même jusqu’à changer complètement la bande-originale du film qui ne sera plus composé par Graeme Revell mais par Jerry Goldsmith. A cause de ses scènes supplémentaires qui ont été retourné et du changement de compositeur, Le 13ème Guerrier ne sortira non pas en 1998 mais seize mois plus tard durant l’été 1999 aux Etats-Unis et qui comme vous le savez fera un bide au box-office. Quand on parle de « grand film malade » pour Le 13ème Guerrier il faut dire que le film correspond de bout en bout à la définition donnée par François Truffaut : ambitieux, plein de qualités mais imparfait et tourné dans la douleur et la tourmente d’une production trop autoritaire ne laissant pas le réalisateur livrer le film qu’il voulait depuis le début. Le film est donc très intéressant sur certains points comme les thèmes de l’initiation au maniement des armes d’un homme qui ne se destinait pas à devenir un guerrier, la découverte du courage et le fait de vaincre ses peurs, la découverte d’une nouvelle culture et d’une nouvelle langue dans une scène vraiment superbe où notre héros apprend petit à petit au contact de ses compagnons, en les écoutant notamment, à maîtriser leur langue,… bref autant de thèmes qui permettent au film de devenir vraiment passionnant de bout de bout. De plus, grâce à la réalisation intense et assez immersive de McTiernan, le film est quasiment sans temps mort avec des scènes de batailles violentes et spectaculaires, même si ça à un peu vieillit en terme de rythme, dont un affrontement en milieu de film en pleine nuit entièrement filmé à la lumière des torches ce qui donne un rendu somptueux avec la pluie, le brouillard et la lumière orangée des flammes donnant au film un certain réalisme au niveau du visuel. Le combat final, lui, est sans doute le plus impressionnant car filmé au ralentit où le spectateur ressent toute l’intensité et la violence des affrontements même s’il fait un peu bâclé. Pour ce qui est de la musique, il s’agit sans doute du seul point que l’on ne reprochera pas à Michael Crichton car Jerry Goldsmith livre une magnifique bande-originale dont le thème principal vous reste en tête jusqu’au bout du long-métrage, une musique à la fois épique et majestueuse. Par exemple, la musique tient toute sa puissance dans la bataille finale lorsque les vikings et le héros, pourtant arabe, récitent une prière viking : « Voyez cela, je vois mon père. Voyez cela, je vois ma mère et mes sœurs et mes frères. Voyez cela, je vois tous mes ancêtres qui sont assis et me regardent. Et voilà qu’ils m’appellent, et me demandent de prendre place à leur côté dans le palais du Valhalla, là où les braves vivent à jamais… ». Et enfin les acteurs sont tous très bon, Antonio Banderas, seul acteur connu du casting, se débrouille très bien dans ce personnage qui découvre petit à petit la culture viking et devient le véritable 13ème guerrier, Omar Sharif y fait une petite apparition en début de film et ensuite le reste du casting se compose entièrement d’inconnu tous très à l’aise dans leur personnage de guerrier. Et donc là où le film est raté avec en plus son côté parfois « gros » et irréaliste dans les combats notamment dans le dernier, c’est sans aucun doute dans son montage car le film va trop vite, ne serait-ce que dans le début qui explique en à peine cinq minutes l’exil d’Ahmed Ibn Fahdlan et la fin est brutale dans le sens trop rapide et est très bâclée. On sent très bien que par moment il y a eu des coupures d’effectuer et cela gâche en partie l’histoire et l’œuvre de McTiernan c’est indéniable. Le 13ème Guerrier est donc un film bancal et inégal dans son ensemble car massacré par son producteur, mais c’est cet aspect « malade » qui en fait sa qualité car dans l’esprit des cinéphiles il s’agit d’un chef-d’œuvre avorté, de l’œuvre phare de son réalisateur qu’il n’a pas pu livrer et donc Le 13ème Guerrier est un film qui vaut le détour pour comprendre un peu et s’apercevoir qu’un réalisateur n’est jamais tout puissant face à ses producteurs qui peuvent très vite s’emparer d’un projet tellement ambitieux et le mutiler comme ce fut le cas ici. Le 13ème Guerrier restera donc dans les mémoires comme un pur fantasme de cinéma. A la fois oubliable et inoubliable.