Bertrand Tavernier signe avec Quai d’Orsay une comédie parfois grinçante dans les incarnes du pouvoir français, et livre un métrage tour à tour assez affligeant (car on se doute que tout n’est pas faux !), tour à tour lumineux (car tout le monde n’est pas dupe sur l’affliction de ce qui les entoure ou de ce qu’ils font).
Bon, comme souvent avec Tavernier, je ne peux pas dire qu’on tienne un chef-d’œuvre, en revanche il a toujours un certain sens de l’efficacité, et formellement c’est un technicien talentueux qui sait faire des films. Du coup, Quai d’Orsay est une comédie très propre. Un cadre intéressant, bien exploité quoique le film prenne souvent des allures un peu théâtral, notamment par ses très faibles incursions vers l’extérieur. D’un certain côté ça renforce encore la déconnection de ces « élites », qui vivent presque dans leurs bureaux ! Bien mis en scène par Tavernier, porté par une bande son intéressante, Quai d’Orsay est une comédie qui a des allures luxueuses, et bien qu’un peu impersonnelle peut-être par rapport à d’autres films du réalisateur, j’ai été assez séduit par ce film.
Le casting est aussi en partie responsable de la réussite du film. Raphael Personnaz était un jeune énarque haut fonctionnaire tout trouvé, et je le trouve fort convaincant face à un Thierry Lhermitte peut-être plus dans la comédie et donc indirectement moins grinçant et authentique que ce que l’on aurait pu vouloir, mais tout de même bien choisi pour ce rôle auquel il apporte sa prestance. Les seconds rôles sont bons, d’un Niels Arestrup en retenu très convaincant, jusqu’à un casting féminin en retrait, certes, mais de charme, avec Julie Gayet et la toujours radieuse Anaïs Demoustier. Je regrette d’ailleurs que son personnage ne soit pas un peu plus présent, elle apporte un contrebalancement intéressant à cet univers asphyxiant du ministère.
Le scénario est certes un peu décousu. En fait on vit davantage des tranches de vie de ce ministère, et donc la fluidité de la narration n’est pas évidente parfois on a l’impression d’assister plus à des sketchs qu’on a essayé tout de même de relier entre eux, ne serait-ce que par la présence du personnage de Demoustier, mais ce n’est pas parfait, loin de là. Après le film a une tonalité douce-amère appréciable, où l’on rit parfois, mais ce n’est pas non plus constant, le film jouant la carte caustique dans un style ouvertement plus dénonciateur ou critique, même si c’est toujours fait avec un certain recul.
Quai d’Orsay n’est donc pas un mauvais film, Bertrand Tavernier signant un film original, sur un milieu finalement peu abordé, et malgré ses défauts je lui ai trouvé une façon agréablement distante et plus fantaisiste d’aborder une réalité et un univers dont nous sommes, en quelques sortes, les pantins, pour le pire ou pour le meilleur ! 3.5