Bertrand Tavernier, incontournable du divertissement tout-terrain en France, a passé les soixante-dix ans quand il nous livre sa vision du pouvoir et de ses arcanes. Loin des polars et grandes fresques d’aventure dont il s’est fait une spécialité, il nous invite à suivre cette fois un ministre des affaires étrangères en pur décalage, outrageusement déconnecté de la réalité, empêtré dans sa langue de bois et ses convictions interchangeables. Il ne doit au fond son salut qu’à son brave cabinet, tenu d’une main de fer par un directeur las, mais fidèle au poste. Un contraste entre deux extrêmes, Lhermitte en bouillant, brouillon, surréaliste politicard, et Landstrup en caution de l’ombre définitivement blasée, qui n’est pas loin d’être parfois hilarant. Derrière, les autres font le job, plus ou moins bien, sans jamais arriver aux chevilles de leur duo de guides. Et c’est bien dommage, car la mise en scène, jouant à fond la carte théâtrale, repose pour beaucoup sur le jeu des acteurs. Les dialogues ne sont pas toujours clairs ni jamais très drôles, le ton louvoie sans cesse entre farce délirante et pamphlet sévère. La politique internationale n’est au fond qu’un prétexte : les incendies partent en tout point du globe, puis s’éteignent sans qu’on sache bien comment. Alors, sur quel pied danser sur ce Quai d’Orsay ? Aucune idée, et la réalisation cheap et surexposée n’aidera pas à répondre. Reste un essai original, une curiosité, qui creuse un sillon qu’on voit plutôt d’ordinaire laissé en jachère.