C'est une comédie sans histoire. Il s'y passe quantité de faits, extravagants ou ordinaires, mais le fil conducteur n'est pas un suspense insoutenable, seulement le quotidien d'un grand ministère, avec son ministre imbu de lui même, d'une énergie indescriptible et d'une efficacité très relative, entouré de ses conseillers, chefs ou directeurs de cabinet, ou chargés de ceci ou de cela, se marchant sur les pieds, bossant comme des malades, rigolant comme des tordus puis tremblant comme des feuilles… bref, tout à fait improbable et hautement véridique. C'est dans cette ambivalence que l'aspect comédie a ses limites : qu'est-ce qui est vrai, qu'est-ce qui est de l'ordre du fantasme ou des faits tellement exagérés qu'ils en deviennent une vision mensongère ? On pense au film troublant de Pierre Schoeller, "l'exercice de l'état", qui donnait à penser qu'on approchait de très près la réalité ministérielle. On y pense et puis il vaut mieux l'oublier, la comparaison ne tient pas, ce "Quai d'Orsay" n'est au bout du compte qu'une aimable pochade, avec des caractères formidables, des personnages de comédie joués par des acteurs qui s'amusent énormément, Niels Arestrup en tête, avec ses mimiques de vieux routard de la diplomatie, à qui on ne la fait pas… il est énorme. Thierry Lhermite est plus mécanique, plus caricatural, assez grandiose lui aussi, mais moins drôle. La mise en scène privilégie les claquements de porte (ne loupez pas à la fin du générique la petite phrase à leur intention), les gags à répétition, les formules qui déclenchent les zygomatiques, mais au bout du compte, on ressort un peu fatigué par cette débauche d'énergie, frustré par le manque d'intrigue, et légèrement agacé par l'impression de n'avoir rien appris.