Adaptation d'une bande-dessinée pour le moins particulières, le dernier film de Bertrand Tavernier aura globalement conquis presse et public. Le Quai d'Orsay, à savoir le quartier général du ministre français des affaires extérieures est l'unique centre du film, haut lieu de la diplomatie française et européenne. A l'heure ou la politique française est entâchée, pour notre plus grand plaisir de moqueur, d'incessantes vagues de scandales, écoutes, copinage et autre délits d'initiés, la satyre, relativement pointue, de Tavernier tombe comme un cheveu dans la soupe, là encore pour notre plaisir à nous, petit peuple. Ne vous attendez pas cependant à un film didactique, retraçant les ficelles des affaires de l'Etat, comme l'excellent L'Exercice de l'Etat, mais plutôt à une habile comédie caricaturale, peut-être pas tant que ça, d'un univers que les citoyens aiment abhorrer.
Si globalement dite comédie n'est pas franchement drôle, c'est bien du fait d'une très profond enracinement à l'univers de la bande dessinée. Pour n'avoir pas lu ledit ouvrage, je peux tout de même, au vu des techniques de narration utilisées par le cinéaste, certifier que le film, dans une mesure toute relative, est fidèle à l'oeuvre écrite. Dès lors, le comique n'est pas réellement verbale, quoique, mais surtout gestuel, physique. Bref, la qualité de la mise en scène est indéniable, mais manque quelque peu de spontanéité, de personnalité. L'on sait Bertrand Tavernier très habile, malin, mais l'on ne connaissait pas encore son coté metteur en scène-copiste un peu troublante. Bon, inutile de tirer sur l'ambulance, le réalisateur a ici très bien fait son boulot.
Coté comédiens, l'on retrouve avec un certain plaisir notre vieil ami du Splendid, j'ai nommé Thierry Lhermitte. Alors que dès son entrée en piste, le comédien ravira par son dépit de paroles parfois amusantes, la deuxième partie du film verra son personnage de ministre fantoche prendre du plomb dans l'aile. Oui, ministre stupide, OK, mais ministre quasiment con, ça en devient un peu gênant point de vue crédibilité. Oui si l'on appréciera sa diatribe sur les stabilos alors que son chef de cabinet est sur les dents en raison d'une crise majeure, l'on sera toutefois sceptique quand le bonhomme se ridiculisera devant un prix Nobel de littérature. Niels Arestrup, quant à lui, aura conquis le coeur de la presse dans la peau d'un chef de cabinet aux allures mollassonnes mais toujours très professionnel. Le troisième larron, en la personne de Raphaël Personnaz, est peut être le plus habile des comédiens sur le plateau, l'acteur prouvant, tournage après tournage, son sens inné de la comédie légère, de l'expression avant le dialogue.
Globalement intéressant, le mérite de Quai d'Orsay est sans conteste d'offrir au public français une comédie délicate autant que novatrice. L'on avait sincèrement plus rit de la politique, au cinéma, depuis belle lurette, remercions donc Tavernier et ses comédiens pour l'effort. Cependant, le coté pincé, guindé, de l'oeuvre coule partiellement l'ambition d'en faire un film destiné au plus large des public. Alors que nos chefs d'Etat ne font déjà rien pour s'attirer les sympathies des votants, difficile d’imaginer un film sur la politique extérieure française attirer les foules, du moins sans l'avis des critiques et des bruits de couloirs au sortir des avants-premières. Pour autant, un film intéressant, c'est déjà ça. 12/20