Après "La Vie d'Adèle" et "Snowpiercer", voici donc encore un film dont le scénario s'inspire d'une bande dessinée. Peut-être est-ce là une nouvelle source d'inspiration pour les cinéastes...
Ceux qui ont lu les BD en question feront sans doute des comparaisons. Personnellement, n'ayant parcouru aucune de ces BD, je me contente de ce que m'offrent les films et, pour ce qui concerne ce long-métrage de Bertrand Tavernier, j'ai été favorablement impresssionné. L'esprit BD a été parfaitement conservé, me semble-t-il. Autrement dit, au lieu de nous assommer avec un film pesant et didactique sur les arcanes de la vie politique, Tavernier s'est lancé, pour la première fois de sa carrière, dans une vraie comédie, dans un film burlesque et réjouissant que j'ai trouvé plutôt réussi.
Nous voici donc au ministère des affaires étrangères, à l'époque de Dominique de Villepin rebaptisé ici Alexandre Taillard de Worms et ayant adopté les traits de Thierry Lhermitte. Virevoltant, faisant claquer les portes et s'envoler les feuilles de papier à chacun de ses passages, se référant à Héraclite et aux poètes, homme de langage qui fait refaire dix fois, vingt fois ses discours, tel apparaît le ministre campé brillamment par Lhermitte, incontestablement dans l'un de ses meilleurs rôles. Autour de lui grouille tout un aréopage de conseillers, de rédacteurs, d'hommes de l'ombre, tous parfaitement incarnés par des acteurs de grand talent. Il faut mentionner en particulier Niels Arestrup qui campe un remarquable directeur de cabinet et Raphaël Personnaz qui incarne Arthur Vlaminck, jeune diplômé de l'ENA chargé de la rédaction des discours du ministre, ainsi que la compagne de ce dernier à qui la talentueuse Anaïs Demoustier prête ses traits.
Dans un film qui accorde une si grande importance au langage, il faut saluer aussi l'inventivité, la pertinence et la drôlerie des dialogues. Grâce à eux et grâce au talent de Thierry Lhermitte, et bien sûr à la direction d'acteurs de Tavernier, le film est, à de nombreuses reprises, très amusant et on ne s'en plaindra pas. Autant montrer la vie politique sous cet aspect-là sans négliger bien entendu d'autres aspects également présents dans "Quai d'Orsay": ainsi le stress des employés du ministère ou les morceaux de bravoure du ministre énonçant ses discours.
Au début du film, quand Arthur Vlaminck se présente au ministère pour briguer son emploi, lorsqu'il patiente avec ses souliers crottés, lorsqu'un huissier lui fait parcourir des enfilades de couloirs, on songe à un roman de Kafka. Cette impression perdure d'ailleurs au cours du film: ainsi quand il est question d'Internet ou de stabilos. Il y a de l'absurde, oui, dans l'univers ministériel tel qu'il nous est présenté, mais il y a aussi, bien évidemment, de la grandeur et du prestige. Tout cela s'allie pour nous donner un film fort agréable. 7,5/10