Il est des films tellement bons qu'ils en deviennent uniques, des oeuvres tellement éprouvantes qu'elles en deviennent inoubliables. "Le Comte de Monte"Cristo" d'Autant-Lara est clairement de ceux là. Magnifique, émouvant, passionné et passionnant, le métrage est une véritable leçon de vie, d'humilité, une déclaration d'amour éprouvante et enflammée, une épopée sur la vie d'un homme, brisée pour que celle des autres puisse d'élever au dessus de la simple condition humaine. L'histoire, intemporelle, satisfera tout un chacun; comment ne pas prendre parti pour cet apatride, pour ce pauvre homme trahi par ceux qu'il pensait être ses amis, par les représentants même de la nation, de l'autorité censée protéger le commun des mortels? Dès lors que l'on ne peut plus faire confiance à ceux en qui l'on devrait croire infiniment, à qui pourrait-on se confier? La question est magnifiquement bien traitée, tant par l'écriture que par la mise en scène. Le travail de Claude Autant-Lara est à mon goût remarquable, entre la finesse et l'habilité du cinéma français de l'époque. Parfaitement relevée par une bande-son au souffle imposant, elle sait manager les situations, accueillir différents sentiments, ressentis et, les rassemblant toutes les unes entre les autres, nous rendre un résultat explosif, et d'une telle force émotionnelle que j'en ai eu, par trois fois, les larmes aux yeux. Véridique. A noter un grand soucis de réalisme de l'oeuvre, et un jeu amusant des accents. L'accent marseillais, surprenant au départ ( même pour un gars du sud comme moi ) tant il a, de nos jours, péréclité, s'oppose parfaitement à l'absence d'accents des autres personnages, soit les principaux. C'est un choix d'ailleurs étonnant pour narrer l'oeuvre que celui-ci; d'une certaine manière, je le comprends : qu'un bad guy ait la manière de parler d'un marseillais provençal, et vous comprendrez comme c'est drôle. Evidemment, le jeu des acteurs est d'aussi haut niveau. De l'excellent Louis Jourdan ( que j'apprécie de plus en plus depuis que je l'ai découvert dans le Bovary de Minelli ) au génial Pierre Mondi, lui même parfait dans son rôle d'enfoiré millénaire, le casting affiche une certaine superbe dans sa distribution, superbe parfaitement retranscrite à l'écran, et favorisée par des dialogues d'une étrange finesse. J'ai notamment apprécié le travail fait au niveau des répliques, d'une infinie beauté, aussi étonnante que détonnante. Pour en revenir au jeu des accents, au choc des cultures, il est à relever d'amusantes répliques prises de chez nous, des expressions typiquement provençales ( "le pauvre", pour feu x personne ), ainsi qu'un nombre incroyable de dictons repris et placés dans des contextes tout particuliers. Le film possède donc une âme, une sacrée personnalité. De plus, les répliques reprises, je pense, du roman de Dumas père sonnent extrêmement justes, et touchent pile-poil à l'endroit qu'il fallait. D'une grande puissance, d'un lyrisme émouvant, elles émeuvent comme aucune autre jusque là, atteignant une sorte de paroxysme de l'esthétisme oral et moral, le degrès le plus proche de la perfection rédactionnelle. Je crois que j'ai tout dit. Enfin non, j'ai écrit là tout ce dont je me souviens. Bien sûr, vous pourrez ne pas aimer. La longueur du film n'est guère attirante pour tout le monde, ainsi que son âge, de plus de 50 ans. Mais mince, le résultat final est tellement beau, tellement fort et esthétique, tellement unique, agréable et grandiose que je ne peux que le conseiller aux cinéphiles d'entre vous. Les autres, visionnez le quand même, c'est sinon une leçon d'humilité, une grande leçon de cinéma. Une fresque émouvante au delà des mots et des passions.