Un monde ravagé par un virus inconnu, une pandémie qui ressuscite les morts pour en faire des zombies voraces : waouh, très original !
A moins d’être en mode hibernatus depuis le 19 siècle, difficile de trépigner sur son fauteuil pour un pitch aussi redondant, forcément annonciateur d’un survival ou des rescapés vont lutter contre une horde d’infestés dans un monde post-apo. Ce que vont confirmer les scènes introductives avec ces bus transportant des familles escortées par des militaires en mode vigiprimale et ces attaques soudaines et violentes ou ça mord et ça contamine …
Mais à partir de cette intro aux airs de « waouh, très original !», l’intrigue va changer radicalement de ton en nous transportant 9 ans plus tard, dans un bled paumé au cœur d’une nature figée par la neige.
A Harmony on retrouve Patrick (Jeffrey Donovan) un survivant partageant une vie presque ordinaire avec sa fille Lu (Quinn McColgan). « Ordinaire » car dans leur maison cosy le père prend bien soin de prodiguer une éducation remplie d’attention et d’amour a sa petite fille. "Presque" car l’odeur de la catastrophe post apo flotte dans l’air, une menace omniprésente insinuée par un Patrick constamment sur ses gardes, le regard inquiet et son fusil qu’il ne lâche jamais. Car « Extinction » emprunte pour ce type de réalisation une inédite lecture mélodramatique, première surprise de taille soutenue par une caractérisation de deux personnages pourtant bien loin de sentir le marshmallow. Jeffrey Donovan (Sicario , l’échange) est un convaincant patriarche protecteur donnant la réplique à sa fille, la pétillante Quinn McColgan (Ping Pong summer, Non-stop), sorte de petit chaperon rouge.
Mais tout deux sont marqués profondément par un secret familial occasionnant des interprétations tout en vulnérabilité et en fragilité. Epatants, comme leur unique voisin (Matthew Fox), un mystérieux individu a l’allure hirsute, cheveux et barbe longue et aux rituels un peu étrange. Animateur de radio Harmony ou sur la fréquence 109.9 il s’entête à s’adresser à des auditeurs …absents, et à leur diffuser des vieux standards. Des music rock folk qu’il propage par des enceintes posées…a l’extérieur. Mais nous apprendrons plus tard (pas de spolier !) qui se cache derrière ce personnage, une fois sa barbe et sa touffe coupée, et la raison de ce concert hebdomadaire. L’occasion de scènes psycho mystiques ou une voix d’homme via la radio lui dicte ce qu’il doit faire.
Au final ces trois personnages vont se retrouver réunis au cœur d’une toute aussi troublante révélation. Un twist que le réalisateur développe à travers de subtils flash-backs distillés avec une scientifique parcimonie, suffisante pour apporter assez d’éclairage, mais sans nous perdre entre présent et passé.
Mais on reste dans l’horror movie et on n’en sort jamais, grâce au climat anxiogène d’un huis clos dans cette maison cernée par une nature rendu naturellement hostile par le froid et la neige, et bien sur la présence des créatures, tapies dans la pénombre. Des sortes de tall men glabres, aveugle et sanguinaire, dont l’allure rappelle celle des humanoïdes carnivores de « The descent » de Jordan. Un emprunt pertinent qui permet de revisiter singulièrement le mythe du mort-vivant. Dans l’apparence, dans l’allure mais aussi dans les motivations, d’autant que contrairement aux zombies habituels, ils se ressemblent tous, sont frappés de cécité, leur résistance est décuplée, et leurs motivations sont d’autant plus mystérieuses qu’ils ne peuvent plus contaminer …
La dernière partie du film va partir en home invasion, avec la aussi des airs du « Assaut » de Carpenter, mais avec l’intrusion dans la maison ambiancée film d’épouvante.
Vous l’avez sûrement compris Miguel Angel Vivas a de solides références d’exploitation movie et c’est probablement a « the thing » que l’on pense le plus souvent. Avec bien sur l’isolement au milieu d’une nature drapée d’un grand manteau blanc, mais surtout dans le plan ou Jack (iconisé a la kurt) revient de chasser en ville sur son scooter des neiges, après cette autre scène dans l’entrepôt ou son chien reste figé devant un animal déchiqueté. Tout aussi criard celui de ce superbe travelling aérien ou jack court vers les monstres, éclairé par un fumigène rouge (un peu de « The descent » aussi, voir de « 30 jours de nuit »).
Des références qui ne refreinent en rien le plaisir d’un film qui affiche sa propre identité, celui d’un sacré bon tour de rein aux productions récentes du genre. Un spectacle sublimé par une lumière qui donne une photographie somptueuse aux scènes d’extérieur, de jour comme de nuit et ou le « blanc » n’avait pas semblé aussi beau depuis très longtemps. Car Beau, « Extinction » l’est incontestablement, comme son scénario s’avère haletant et a multiples rebondissements, avec ses personnages peu nombreux (une femme viendra doper l’ambiance et accélérer les choses..) mais très « travaillés », servis par un casting bien trempé, son ambiance enveloppante, ses références riches, sa lumière sublime, des scènes sanglantes très efficaces…pour au bout du compte donner une sacrée bouffée d’oxygène au zombie movie, mais plus globalement un des plus surprenants films d’horreur vus depuis très longtemps.
Une bobine salutaire dont on espère que Miguel Angel Vivas (« kidnappés ») confirmera l’excellente note d’intention. Au final une preuve supplémentaire si besoin était que l’horreur paella peut encore nous rassasier.