Tout droit dans la veine romanesque de son Pacte des loups, Christophe Gans signe une relecture très premier degré d'un grand classique de la culture européenne. Si l'impression visuelle laissée par cette production (à 35 millions tout de même) est indéniable, le parti pris de tout accorder à une pure mise en images de conte, rejetant tout détachement ou toute discussion sur les mythes mis en question et même toute approche de fond réelle, nuit énormément à l'émotion. La Belle et la Bête version Gans, au final, tente de tout faire passer par l'image, y arrivant parfois dans certains tours de force techniques sidérants. Certes, on se sent parfaitement immergés dans un conte, mais le problème d'une transposition si littérale, c'est qu'au contraire d'une version papier, elle n'en appelle plus à l'imagination. Et personnellement, je vois mal comment je pourrais encore m'avérer stimulé, puisque le scénario ultra prévisible n'accroche pas non plus d'un point de vue émotionnel et qu'aucune vision mythologique réelle ne parait rattachée à l'ensemble. Je me suis donc senti devant un livre illustré, agréable mais incapable de vraiment inspirer quelque chose. Là où La Belle et la Bête pourrait me faire mentir, c'est dans son approche de la Bête et sa tendance à souligner sa monstruosité, respectant à merveille la composante flippante de tout conte digne de ce nom, qui demeure in fine le vrai point d'accroche pour s'immerger dans un tel univers et se sentir concerné par les enjeux du récit. Tout ça sans perdre en poésie, ni en féerie. Alors non, l'écriture n'est pas irréprochable ; certaines intrigues accessoires (celle tournant autour des frères) sont discutables et certains rôles clairement inutiles. Mais quand le film se recentre sur la Bête elle-même, et notamment sur les origines de sa transformation, la vision premier degré choisie par Gans et associée à ses talents de metteur en scène ainsi qu'à des fx sidérants, permet de finir par atteindre la visée de départ : celle de mettre en mouvement une histoire d'ordinaire cantonnée à sa dimension irréelle, onirique. Et parfois, pour peu de se laisser aller, on retrouve par séquences des yeux d'enfant. Certes, je regrette comme tout le monde l'absence d'un développement en profondeur de la romance, mais le travail visuel et l'ambition du parti pris doivent être signalés. Et puis, c'est quoi ce Léa Seydoux bashing ? Est-elle si mauvaise que ça ? Je trouve que l'alchimie avec Cassel fonctionne, dans une certaine mesure. Acteur confirmé, celui-ci apporte en tout cas le charisme animal de sa voix à son personnage bestial, confirmant que son choix était une évidence pour le rôle. Assez vain mais beau, et généreux.