La Belle et la Bête version Gans, c’est un film où l’on retrouve son savoir-faire visuel. Pour le coup, moins dans la narration.
En fin de compte, La Belle et la Bête est un peu (beaucoup ?) frustrant. Le début est bon, même si on comprend assez vite que l’exposition étant longue, la seconde partie va être circonscrite, et en effet, elle l’est, de façon trop vive. Gans nous prive pratiquement totalement du glissement des sentiments de l’héroïne pour la bête. On se demande comment après trois repas et une danse elle se met soudain à l’aimer comme une folle ! Le film ne prend pas le temps d’exposer cet aspect pourtant essentiel du film, ce qui fait son essence, et c’est un point négatif, le réalisateur privilégiant d’ailleurs un final spectaculaire mais assez hors de propos par rapport au reste du métrage. Du coup, les sentiments peinent à surgir, et beaucoup d’éléments sont introduits, alors même qu’ils ne sont pas utilisés (les chiens).
Moyennement enthousiasmant sur le fond (tout n’est pas à jeter car Gans affiche de vraies ambitions), La Belle et la Bête l’est déjà davantage sur la forme. De beaux décors, une belle photographie, mais je reprocherai tout de même un recours beaucoup trop conséquent aux images numériques. Il y a un moment donné faut savoir dire « stop », Gans ne le fait pas vraiment, et il se laisse parfois emporter. Reste que le métrage est élégant, les costumes sont superbes, et la mise en scène ample du réalisateur montre qu’il n’a rien perdu de son sens du spectacle. Pour tout dire, bien que très réussi formellement, plus de naturel aurait été appréciable, et Gans avait déjà prouvé dans Le Pacte des loups que ce n’est pas forcément moins bien ! La bande son m’a paru assez classique. Les premières notes d’ouverture rappelleront d’ailleurs peut-être un autre film à certains spectateurs !
Le casting est propre, mais pas irréprochable. De très bons seconds rôles, avec un André Dussollier toujours au top, un Eduardo Noriega très investi dans son personnage de Perducas, globalement ça tient solidement dans l’arrière-plan, et on hérite, en tête d’affiche, du face à face Cassel-Seydoux. Cassel est tout à fait convaincant, même si finalement il n’apparait pas tant que cela, seulement dans les flash-backs plutôt bien introduit par Gans. Léa Seydoux se retrouve à assumer une grosse partie du film, avec une interprétation pas mauvaise mais un peu fade. Si Gans a su maitriser l’aspect spectacle, en revanche je suis plus réservé sur le traitement qu’il a réservé à Seydoux. Peu de plans marqués sur son visage par exemple. Pour ma part Seydoux ne rend pas assez compte des sentiments pourtant forcément marqués de son personnage, et Gans ne fait pas assez d’efforts de réalisation pour capter ce qu’elle peut exprimer, du coup on se retrouve avec un rôle qui manque de relief.
Ma conclusion sera que La Belle et la Bête est avant tout un film spectacle qui fait du bien dans le cinéma français, d’autant qu’il y a des ambitions sincères de la part de Gans qui ne nous sert pas juste un produit impersonnel. Néanmoins, je ne peux que constater des défauts significatifs. Un film pas déplaisant, mais qui n’enthousiasme pas non plus outre mesure. 3.