J’adore Christophe Gans depuis le début : après avoir fait une très bonne adaptation de l’un de mes mangas cultes avec "Crying Freeman", je l’ai remercié d’avoir eu le courage de tenter de faire en France un gros blockbuster d’action avec "Le Pacte des Loups" et j’ai été bluffé par son incroyable "Silent Hill" ! Donc, quand il sort un nouveau film, je suis aux abois ; en outre, l’annonce d’une nouvelle (il s’agit tout de même de la sixième adaptation cinéma après celle de Jean Cocteau en 1946, celle de Edward Cahn en 62, celle de Juraj Herz en 79, celle de Eugene Marner en 87 et celle de David Lister en 2009) relecture du fameux conte de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont avait piqué ma curiosité et surtout mon imagination, fantasmant sur ce que pourrait être le résultat. Et j’avoue que j’ai été agréablement surpris : déjà Gans s’est attaché à être bien plus proche du conte original (le marchand qui a trois filles et trois garçons, les deux sœurs gâtées et capricieuses n'ayant d’intérêt que pour le luxe, le vol de la rose qui déclenche tout, le souhait de Belle de revoir son père avant de rester à tout jamais avec son « hôte ») que la bouillie indigeste débordant de mièvrerie que nous avait pondu Disney (qui n’est pas, comme j’ai pu le lire dans certaines critiques, la version originale du conte !! Non mais, vous avez 10 ans ou vous êtes cons ???!!!), se démarquant ainsi aussi du film de Jean Cocteau ; ensuite il a magnifiquement illustré le tout à sa façon en insérant des rajouts scénaristiques plutôt bienvenus afin de rendre le récit plus logique et séduisant (l’histoire des navires marchands, les « fréquentations » du fils bad boy qui amèneront le dernier acte, le passé de la Bête) et en nous proposant de sublimes images. Justement, parlons du visuel car La Belle et la Bête version 2014 est un véritable enchantement fantasmagorique pour les yeux : dès le départ, on est bluffé par ces illustrations de bateaux dans un livre qui deviennent de vrais navires sur l’eau puis, une minute plus tard redeviennent illustrations. Tout le passage où le père est perdu dans la tempête de neige est délicieusement sombre et gothique, les alentours verdoyants du palais et la présence de divinités de la nature font référence directe à la passion de Gans pour l’animation japonaise et en particulier pour Hayao Miyazaki (si les « êtres » en question ne sont pas une référence aux esprits de "Princesse Mononoke" et si les géants de pierre ne vous font pas penser à ceux de "Laputa, le Château dans le Ciel", bin je veux bien devenir moine moi !!). Rajoutez de superbes costumes (les robes que porte Belle sont vraiment magnifiques, surtout la rouge) et de bons maquillages (Cassel en « Bête » est impressionnant !) et vous avez un film avec des effets spéciaux nickels de A à Y…oui je n’ai pas dit de A à Z car il y a un seul petit bémol : cette putain de biche dorée qui est tout simplement dégueulasse (et, au vu du reste du film, je ne comprends pas pourquoi elle est si ratée !!!). Bref, on sent les 35 millions de budget à l’écran et ça fait putain de plaisir !! Et pour tous les rageux qui osent dire que le nouveau film de Gans est une honte vis-à-vis de son budget et du résultat à l’écran, bin je vais vous en donnez moi des raisons de rager bande de sagouins : "Disco" (13 millions d’euros), "Belphégor" (16 millions), "Taxi 4" (17 millions), "Double Zéro" (19 millions), "Arsène Lupin" (21 millions), "Vidocq" et "Iznogoud" (23 millions), "La Vérité Si Je Mens 3" et "Turf" (25 millions), "Les Daltons" (27 millions), "Les Bronzés 3" (35 millions) et…accrochez-vous, "Astérix aux Jeux Olympiques" (78 putain de millions !!!!!)....alors, vous avez encore quelque chose à dire sur "La Belle et la Bête" ??!! Niveau interprétation, le casting est assez juste et s’en sort plutôt bien : André Dussolier malgré sa présence limité à l’écran est impeccable dans le rôle du patriarche, Léa Seydoux est rayonnante dans un premier rôle enfin à la hauteur de son talent et qui fera oublier sa prestation qu’on avait honteusement limité dans l’immonde La Vie d’Adèle, Vincent Cassel apporte charisme à son personnage (cela n’a rien d’étonnant vu que ce type n’a plus rien à prouver en tant qu’excellent acteur) et forment avec Léa un très joli couple à l’écran, Eduardo Noriega est assez convaincant en bad guy (remarquez : il a la gueule de l’emploi !) et Audrey Lamy et Sara Giraudeau sont parfaites en sœurs matérialistes et insupportables. Alors, pour résumer, une vision à la fois proche du conte d’origine et nouvelle en tant que relecture du mythe, un visuel époustouflant, de bons acteurs…donc chef-d’œuvre ? Et bien non, et avec toute l’admiration que j’éprouve pour Christophe Gans, je dois avouer avoir été déçu par LE point noir du film qui le plombe : son foutu rythme !! Le film est certes long (presque 2h) mais il est lent…trop lent même par moment : le contemplatif c’est joli mais parfois il faut un soupçon de dynamisme pour ne pas tomber dans le piège de l’ennui ; et ici, force est de constater que les spectateurs ayant le moins de patience vont trouver le temps long jusqu’au dernier acte !! C’est vraiment con de se planter sur un point aussi simple (d’autant plus que ça a toujours été une force chez les autres films de Gans !!) Malheureusement, cet unique défaut (bon…ok, je vais pinailler encore un peu : les « toutous » de la Bête ne sont là que pour le jeune public…donc ils ne servent à RIEN !!!) est suffisant pour faire basculer un film de la mention « Très Bien » à juste « Bien ».
Voilà, "La Belle et la Bête" version Gans est un bon film mais légèrement handicapé...mais ne boudons pas notre plaisir tout de même : il est vraiment plaisant de voir enfin un français capable de se hisser au niveau de super-productions amerlocs, et de proposer un film qui ravira les amateurs de grand spectacle et de beaux effets visuels. Bref, j’ai assisté à un bon moment de cinéma !