Nouveau chouchou d’Hollywood, l’acteur Joseph Gordon-Levitt ne perd pas de temps puisque, après avoir produit l’excellent "Looper", il s’essaie à la réalisation... qui plus est, avec un sujet osé et peu fédérateur, à savoir les mésaventures sentimentales d’un beauf accro au porno. Le sujet était intriguant et j’attendais avec impatience de voir le sens que Gordon-Levitt allait donner à son récit. Et c’est sans doute là que le néo-réalisateur s’est planté. Car le principal problème de "Don Jon" est incontestablement son incapacité à trouver le ton juste… ou plutôt à trouver un ton et de s’y tenir. Il est, dès lors, quasi impossible de classer le film... ce qui aurait pu être une force si le réalisateur ne passait pas son temps à décevoir le spectateur. On s’attendait à une comédie romantique au ton trash… mais Gordon-Levitt parait se foutre royalement de l’histoire d’amour entre Jon et Barbara, cette dernière s’avérant rapidement exécrable et le récit se concentrant sur le seul héros. En outre, le réalisateur a décidé de faire dans le premier degré, en refusant toute prise de distance avec son sujet et en se prenant, au final, beaucoup trop au sérieux. "Don Jon" serait donc un film bien plus auteuriste, avec un point de vue à défendre ? Dans ce cas, difficile de comprendre ce que le réalisateur a voulu dire avec ce film, puisqu’il ne va jamais au bout de ses idées. S’il n’entend pas traiter le porno comme une addiction (ce qu’il laisse entendre au détour d’un dialogue), pourquoi avoir rendu son personnage si accro au sexe virtuel ? Si, au contraire, il entendait traiter le porno comme une addiction, pourquoi le faire décrocher aussi facilement ? Et surtout, pourquoi, avec un sujet aussi trash et des dialogues aussi cash (voir gratuitement vulgaires), avoir sombré dans une morale aussi puritaine avec cette conclusion qui veut que la pouf reste une pouf insensible et que la gentille cougar (qui a perdu mari et enfant, ce qui contraint le spectateur à la trouver attachante) soit la planche de salut du héros qui se fourvoyait jusque là ? Est-ce un problème de scénario mal construit, de thèmes maladroitement abordés ou un défaut au niveau du storytelling ? Difficile à dire, tant "Don Jon" ressemble à un patchwork d’idées accolées les unes aux autres, avec, pour seul dénominateur commun, le porno auquel le héros revient toujours. A moins que le problème vienne tout simplement du fait qu’avec un tel sujet, le spectateur était en droit d’attendre davantage d’humour et moins de morale. Joseph Gordon-Levitt a, sans doute, tenter de surprendre le public mais ne réussit qu’à le décevoir. Les scènes les plus symptomatiques, à ce titre, sont celle des repas de famille de Jon, qui auraient dû être des monuments de drôlerie (surtout avec la présence du revenant Tony Danza dans le rôle du père !) et qui souffrent d’une terrible carence de rythme comique. Tout n’est cependant pas à jeter dans "Don Jon" puisqu’il faut saluer la volonté du réalisateur de s’éloigner des sentiers battus en proposant quelque chose de différent sur un plan visuel, avec des interludes psychédéliques et un goût immodéré pour les running gag… ou plutôt les running scènes (l’arrivée à la salle de sport, les confessions, l’allumage de l’ordinateur et le cérémonial qui s’en suit…). On peut, également, saluer l’effort (ou l’inconscience) de Gordon-Levitt dans l’écriture de ses personnages, qu’ils ne cherchent jamais à rendre sympathiques et qu’ils enferrent dans un milieu social et culturel si cloisonné qu’il en devient excluant. Ainsi, le héros Jon (campé par Joseph Gordon-Levitt himself) est un véritable produit bas de gamme de la société de consommation américaine (qui ne jure que par l’apparence et les biens matériels)… soit un personnage assez pathétique à qui il n’est cherché aucune excuse. Sa copine (Scarlett Johansson, bombesque) n’est pas l’archétype de la petite amie parfaite et s’avère des plus détestables avec sa volonté de tout contrôler et ses crises de petite fille gâtée par la nature. Seule la décalée Esther (Julianne Moore, qui dénote dans le tableau) a droit à un traitement plus policée... sans doute pour l’imposer un peu artificiellement comme la meilleure option du héros. Mais tous ces efforts, aussi louables soient-ils, ne suffisent pas à faire un bon film… Et "Don Jon" n’est pas un bon film, loin de là !