La vie d’Adèle, l’avis de Georges
Je ne dévoilerai rien, il n’y a rien à dévoiler dans un film où il ne se passe rien.
Adèle, 15ans, croise dans la rue, l’espace d’un instant, une fille aux cheveux bleus. Pour qu’on ma reconnaisse. Et cet instant d’une seconde et demie lui inspire un fantasme érotique qui l’amène à se masturber. Ca démarre léger. Par la suite, un garçon l’emmène, et , devinez où : dans une boîte gay pour garçons. Adèle s’y ennuie, et toute sainte Nitouche qu’elle est, elle migre derechef dans une autre boîte gay pour filles. Et oui, ça devait arriver : qui s’y trouve justement : la fille aux cheveux bleus. Et , vous n’allez pas le croire, elle vient accoster notre Adèle.
Elle aura avec elle une relation sexuée montrée avec aussi peu de suggestion que dans un film porno : on voit tout, on halète et pousse de petits cris de plaisir. Adèle, pour sa première expérience se montre experte : 69, ciseaux, fontaine : elle connaît toutes les techniques de l’amour lesbien comme une pro éprouvée.
La caméra est d’une subtilité rare : les personnages parlent en mangeant, en fumant, en mangeant encore : des spaghettis dont on nous livre utilement les secrets de la sauce, des huîtres aqui évoquent pour la compagne d’Adèle le sexe féminin( on reste dans la légèreté) , un barbecue avec des spaghettis, des sandwiches grecs et encore et encore : pas moyen d’ouvrir la bouche pour parler sans qu’elle soit pleine ! Ca n’aide pas à déchiffrer la bande son qui est souvent grommelée, pour faire plus vrai sans doute. Et on mange la bouche ouverte, c’est plus naturel !
Les personnages, sauf en situation d’affrontement, sont côte à côte pour les dialogues, ce qui n’empêche pas la caméra de se livrer à un champ-contrechamp invariable des plus lassants. Le tout en très gros plans serrés au téléobjectif, seuls les grains de peau, les poils de moustache et les boutons d’acné constituent le décor. Sauf une pause où Adèle échange des banalités avec un garçon sur un banc bleu ( comme les cheveux fameux) sous un arbre aux fleurs rouges du plus bel effet mais sans aucun rapport ni signification, et deux scènes au bord d’un canal pittoresque pour montrer qu’on dispose aussi d’une focale normale.
Adèle est LE sujet (on vous l’a dit, il ne se passe pratiquement rien). On se borne à contempler sa fadeur, son inertie. Adèle défait son chignon, Adèle le renoue, et vice-versa ; en toutes circonstances, elle est habilement décoiffée, une mèche devant les yeux. Ses propos sont insignifiants puisque on la présente comme une fille simple, limite inculte. Son ambition se limite à être institutrice. A la différence du milieu « artistique » de sa copine, prétentieux comme s’il était parisien.
On voit Adèle sortir de sa maison, on la voit y rentrer. Et ressortir, et re-rentrer. Passionnant. Elle marche beaucoup : on la voit marcher de dos, de face, encore de dos, encore de face. Elle prend le train, le bus : des scènes qu’on a du mal à juger indispensables.
Sa compagne est une piètre artiste dont les « œuvres » sont exposées dans une galerie située dans un improbable quartier pittoresque de Lille : Adèle, pour s’y rendre, enfile sa plus belle robe bleue.
Et puis rien. Une histoire qui cherche autant son commencement que sa fin.
Certains ont crié au chef-d’œuvre. Ce recueil de stéréotypes a même récolté une palme d’or.
L’intention du réalisateur transpire, il veut montrer du vrai, du super réel, et c’est du super raté, du cliché à chaque image : Adèle lit à la fenêtre, Adèle prend le bus, Adèle la plouc prépare des chaussons frits et gras pour l’anniversaire de son amoureuse avec, tenez-vous bien, Louise Brooks qui s’affiche sur un drap de lit en toile de fond, un film ( Pabst) qui défile et auquel personne ne prête attention. La philo à deux balles, au lycée comme dans les bistrot ou dans la cour de récré, c’est pour donner un air de film à thèse sans doute. Ca sonne archi faux, sans doute pour faire encore plus naturel !
C’est qu’on y voit la caricature de deux mondes, celui modeste à médiocre de la petite banlieusarde et celui de celle qui se prend pour une artiste où on est de gauche avec des idées larges. Quel combat, quelle audace !
On s’ennuie trois heures durant, mais on peut aller chercher une bière, aller aux toilettes, voir si le bébé dort et revenir, on n’aura rien perdu.