La vie d'Adèle c'est un film que j'aurai adoré détester tant l'Esquive du même réalisateur m'avait insupporté. Ce cinéma "réaliste" presque documentaire m'avait toujours laissé indifférent (cf Entre les Murs...). Pourtant il m'intriguait. Au hasard de mes pérégrinations à la Fnac j'ai eu l'occasion de lire la BD, qui est sympathique, sans plus, et beaucoup trop engagée à mon goût( l'amour homosexuel y est présenté comme pur et magnifique, cliché!), et je me suis dis que sans ce côté politique ça passerait peut-être. En y allant, je m'attendais à voir de gros défauts, comme la réalisation en gros plans, mais j’espérai quand même arriver comme certains spectateurs à me laisser transporter. Que dire si ce n'est que c'est parfaitement réussi.
Le film a trop de qualités et trop de défauts pour arriver à mettre une note réelle. Je finirai par les qualités, puisque c'est ça qui reste en tête, mais vais d'abord énoncer les défauts, qui sont parfois trop visibles pour ne pas s'y attarder.
1ère chose, Kechiche a un vrai souci pour occuper ses acteurs, surtout avec leur bouche. En soi ça ne me dérange pas de voir des gens manger, sauf que là c'est une vraie technique pour meubler certains dialogues (la scène d'Adèle avec son premier copain...) ou pour faire passer le temps, notamment lorsque les acteurs fument (ça occupe facilement 5 minutes du film).
2ème chose, la réalisation. Le fait de tourner de cette manière, en plans rapprochés, même si j'en parle dans les qualités du film, est franchement dérangeant. Sur les 3h on s'y fait, mais dans les 20 premières minutes on aurait gagné à nous aérer l'esprit avec des plans moins serrés qui étouffent, littéralement.
3ème point, filmer caméra à l'épaule donne une authenticité au film, c'est indéniable, ça rend la caméra et donc la scène plus vivante, mais un trépied de temps en temps c'est pas mal aussi. Surtout quand on film une scène de dispute à l'école et que la caméra devient épileptique...
4ème point et surement le pire: les références à l'art, comme dans les Woody Allen. On est dans un film d'auteur donc il faut impérativement étaler sa culture, et vas-y que je parle de philosophes, que je balance des phrases de Sartre, que je parle d'écrivains, que je fais lire un livre de Marivaux, que je parle de peintures. ça n'apporte rien si ce n'est que ça montre que le domaine de l'art est une grande famille et que le réalisateur est cultivé...
5ème point et on rejoint le 4ème: Dans un film d'auteur, il faut de l'art, et il faut du nu. En soit les scènes de sexe ne m'ont pas choqué, elles ne sont pas interminables non plus et montre bien la relation passionnelle entre Adèle et Emma. Non ce qui est énervant c'est le nombre de fois où les acteurs sont nus sans que cela serve à quelque chose, si ce n'est à satisfaire le voyeurisme de certains, dont les critiques presse.
6ème point: La longueur du film ne m'a pas dérangé. Ce qui est dur en revanche c'est certaines scènes inutiles, comme la scène de lecture au lycée, certaines scènes avec les enfants, ou encore les plans sur Adèle en train de dormir. Les 3h passent bien, donc il aurait été bon de remplacer ces scènes inutiles par d'autres plus chargés en émotions et faisant vivre l'histoire...
Malgré tous ces défauts, qui généralement son rédhibitoires quand on regarde un film, la vie d'Adèle possède bien trop de qualités pour les oublier. J'attendais de déceler une étincelle en allant le voir, et bien je l'ai vu, et elle trotte encore dans ma tête. Le film arrive, peut-être 5-6 fois, peut-être plus, à nous montrer des moments de pure grâce. ça passe par une phrase, toute simple, mais dite avec le plus de naturel au monde, avec un plan serré sur le visage d'Adèle, un moment finalement tellement banal que son authenticité nous émerveille. Le film est parfois horripilant tant Kechiche en fait des tonnes, mais ces petits instants rattrapent tout le reste: le 1er baiser d'Adèle avec sa copine, la scène de dispute avec Emma (magistrale), Adèle qui danse lors de son anniversaire (mon moment préféré), etc.
Si ces moments nous captent c'est, d'une part, grâce à la réalisation, qui trouve ici tout son sens, d'autre part par la qualité de l'écriture (quand on parle d'art c'est chiant mais ces petites phrases simples, elles, sont belles), mais enfin et surtout grâce à Adèle Exarchopoulos. Léa Seydoux joue faux la plupart du temps (son dialogue sur Sartre, immonde et pas convaincue par ce qu'elle dit, sa scène dispute, surjouée). Mais Adèle, que dire... Elle est juste parfaite ! Elle joue juste, elle joue mieux que tout le monde dans le film, elle joue mieux la prof que les profs au début du film, c'est elle qui fait rire la salle, qui la fait pleurer, elle est chou, j'ai rarement éprouvé autant d'empathie pour un personnage qui plus est féminin (je suis un homme au cas où). C'est là aussi que le film est fin, car son message est universel, Adèle n'est pas lesbienne, elle n'est pas bi ou hétéro, elle aime juste une autre personne, le film est assez subtil pour faire ressentir cela, pour se départir de la BD qui, elle, était politique. Dommage qu'il y ait 95% de lesbiennes dans la salle, ce qui montre que le film n'a pas trouvé son vrai public, et que ces filles ne vont le voir que parce qu'elles penses voir des lesbiennes à l'écran, alors que c'est plus que ça.
Ce n'est pas un chef d'oeuvre pour moi car il a trop de défauts, mais il possède tellement de qualités, fait ressentir tellement d'émotions que le 4,5 est amplement mérité.
Bref je finis sur Adèle, souvent je trouve les palmes d'or surestimées, là je la trouve méritée, elle est méritée avant tout pour l'actrice, car franchement elle touche au sublime dans ce film, je ne peux même pas dire qu'elle le porte, elle est le film tout simplement...