Playing by Heart est au couple dramatique ce que Scènes de ménage est au couple comique : une défilade de petites saynètes qui ne s’influencent jamais et qui n’ont pour valeur que l’interprétation de leurs acteurs, par ailleurs très bons dans l’ensemble. Sauf que là où la série française adopte un format apte à un tel découpage, le long métrage de Willard Carroll échoue à construire une forme-sens capable de tisser des liens entre ces cases fermées sur elles-mêmes et qui se rassemblent enfin lors d’une clausule artificielle : l’enchâssement paraît réglé sur mode automatique et, compte tenu du nombre de couples à représenter, chaque duo voit son temps à l’écran compté à la seconde près. En résultent d’incessantes saccades qui empêchent toute immersion pour le spectateur, ainsi qu’une confusion malheureuse, du fait de la juxtaposition de sketchs, entre l’amour et le cucu, la sensibilité et la pleurnicherie, l’émotion et le lacrymal. Cette cartographie du cœur blessé laisse pantois et souffre de sa déportation depuis le cinéma vers les planches de théâtre, ce qui confère au film une fausseté et une fixité dommageables. Il manque une mise en scène qui, seule, aurait pu tenir ensemble ces destinées éparses ; il manque un travail du rythme qui, seul, aurait empêché la monotonie de s’installer dès les premières minutes ; il manque enfin une vision de l’amour qui se décline ici sous ses facettes les plus convenues, portée par la partition sirupeuse d’un John Barry apparemment peu inspiré par ce qu’il a sous les yeux. Raté, Playing by Heart vaut néanmoins pour ses acteurs, impeccables pour la plupart, à commencer par le couple formé par feu Sean Connery et Gena Rowlands, magnifique.