Pour apprécier Welcome to New York , il faut un minimum d'honnêteté intellectuelle et une connaissance minimale de la filmographie de Ferrara. Ferrara dérange. C'est évident. Il dérange d'autant plus qu'on sent bien, dans sa façon de filmer, de diriger les acteurs, d'aborder les sujets tabous, que ce n'est pas le genre de mec à se plier à des règles consensuelles qui forment le terreau d'une profession où, si vous ne voulez pas être grillé, implique que vous vous y soumettiez.
Ferrara adresse, depuis des décennies, un gros FUCK à l'industrie du cinéma. Et ça, ça passe pas.
Dans Welcome to New York, la patte du réalisateur est immédiatement identifiable. Soit on quitte la salle tout de suite (sachant de quoi Abel est capable), soit on reste scotché devant l'écran, et on se mange la triste réalité des déviances humaines en pleine gueule. Ici, il faut regarder au-delà de ce qui, chez certains critiques, fait la trame du navet: caméra épaule, scènes trop explicites, dialogues crus, sujet tabou, proximité avec le(s) personnages. Il faut ensuite savoir capter les détails. La subtilité de Ferrara, sous des airs grossiers dus aux techniques précités, est d'introduire le détail qui tue:" dans la scène de la prison, Depardieu/DSK remet son pantalon sans caleçon après la fouille"; ce qui éclaire sur son état d'hébétude après les "viol" de la femme de chambre. Il est privé de liberté, mais est également prisonnier de son incapacité à comprendre où est le mal dans ce qu'il fait. On le voit dans la scène du psy; il se fout de tout, ne ressent rien.
Ce film est en réalité l'analyse comportementale et psychique d'un homme qui a compris la vacuité de son existence, au-delà des responsabilités professionnelles qui font qu'il se sent (et est) intouchable, dont les convictions politiques se sont effritées au fil du temps, qui est porté aux nues par les gens qui le fréquentent, qui est le catalyseur des ambitions de son épouse, entre autres...et qui choisit, peut-être inconsciemment, de se saborder...par le sexe.
Le tout filmé par Ferrara dont, encore une fois, si on ne fait pas l'effort de comprendre son cinéma, on se dit que c'est de la daube. De la daube comme du Friedkin? Comme du Asia Argento?
On voit aussi, dans Welcome to New York, l'implacable froideur du système administratif américain.
Pour ce qui est de la performance des acteurs, heuresement qu'Adjani a décliné l'offre pour le rôle de Simone. Rien que de voir sa tronche, ça m'aurait gâché la séance. Jacqueline Bisset incarne parfaitement l'épouse.
Quand à Depardieu, je le trouve excellent. Déjà faut accepter de tourner avec Ferrara dont on sait à l'avance que le film sera torpillé par la critique. Ce que n'a pas fait Adjani. Bref...
Au-delà du "porc" qu'il semble être (franchement, on vous enferme dans une chambre avec du champagne et quatre putes russes magnifiques, vous ferez pareil), il révèle un mal profond, un besoin d'autodestruction qui contraste avec la fulgurance de sa réussite professionnelle. A la fin, il n'est pas antipathique. Il se révèle un intellectuel lucide, désabusé, qui ne comprend pas tout de sa personnalité. Par la décadence, la libido, le scandale, ET LA LACHETE DES "AMIS" (suivez mon regard), il évolue vers un état de renaissance et de paix intérieure.
Le viol de la femme de chambre? Pure interprétation de Ferrara, qui ne doit pas être très éloignée de la réalité, de toute façon il n'y a pas de témoins.
L'antisémitisme dans le film? Franchement, Rabbi Jacob est cent fois plus antisémite!
Mais je comprends qu'en matière d'autobiographie, Anne Sinclair rêvait de mieux....
Ce que je retiens de ce film en premier, c'est la performance de Gérard D.