La mélodie de l'honneur
"Begin Again". Commençons par ce titre original (terme inapproprié, tellement le titre est banal) pour une fois pas aussi inspiré que la "traduction" choisit à l'export. "New York Melody" est bien plus fidèle et représentatif de ce film qui rend avant tout hommage à la musique et illumine la grosse pomme.
Le scénario est plutôt maladroit dans ses aller-retours temporels, mais plein de bons sentiments. Le double portrait en introduction est pas très bien mis en forme. La forme d'une double scène sous deux angles est une excellente idée pour présenter les deux protagonistes, mais c'est bien trop approximatif et bâclé. Ça n'effleure qu'à peine le potentiel narratif que peut dégager les points de vue subjectifs. Cette anti-chronologie est inutile mais c'est surtout très pataud, particulièrement lors des parenthèses sur chaque rencontres des musiciens. Ces entrevues sont intéressantes, mais les présenter en flash-back une fois le contexte installé les rends futiles. Si il y a redire sur la forme, le fond du récit est plutôt honorable.
Les histoires de Gretta et Dan livrent une vision honnête et intéressante de la vie d'artiste, de la renommée qu'elle peut engendrer mais aussi de l'industrie musicale. Au sein du couple Gretta-Dave, les carrières se voient évoluer très différemment. L'auteur-compositeur et muse fait d'abord face à la popularité grandissante de son compagnon de vie et de musique. Ce rôle de « touriste » semble lui convenir, mais à force de n'apporter que les cafés et chantonner dans les bistrots elle se sent inutile et nulle. Jusqu'à une révélation un peu fortuite, l'ultime choc qui brisera la symbiose du couple (une scène très bâclée). Ce personnage est assez simple, mais touchant. L'occasion tout de même de retrouver une superbe Keira Knightley. Sa sobriété loin des grandes performances passées (Domino, A Dangerous Method) nous permet de retrouver le charme naturel de la belle anglaise. Rôle plus léger mais néanmoins pas comparables à ses derniers, tous dépourvus d’intérêts après son passage chez Cronenberg. Keira Knightley donne une leçon de classe et d'élégance, comme son alter-ego, Gretta, à la jeune Violet.
Cet échange en particuliers est plutôt fin. Gretta relève sans équivoque l'absurdité du look de l'ado et devine ses pensées amoureuses. Alors que ses parents remarque cet accoutrement de... « Jodie Foster dans Taxi Driver » (excellent réplique) mais ne savent pas lui dire, ne soupçonnent aucun de ses sentiments et la croit mauvaise guitariste. La splendeur de Keira Knightley se trouve aussi dans le côté ange gardien de son personnage. Et la fin appuie cela dans une happy-end partielle où elle fait un peu le bonheur de tous. Les choix de conclusion sont un peu surprenant mais évite du coup les poncifs, enfin presque.
Si ça se termine de façon pas si évidente, l'ensemble du film est basé sur les codes de la comédie-romantique. Une ambiance parfois très mielleuse, ponctuée par la musique. Les paroles des chansons écrites pour l'occasion sont très lyriques, pleines de sentiments. Mais ces musiques sont pas déplaisantes à entendre. Et dernières fleurs pour la britannique, on découvre une Keira Knightley pas mauvaise chanteuse. Les références et hommages sont réjouissants; de Bob Dylan à Norah Jones en passant par Leonard Cohen. La question de l'authenticité de l'artiste est intéressante.
"New York Melody" s'amuse avec cynisme et dérision de la quête du succès et du compromis de l'artiste. En posant tout de même un regard plutôt consciencieux sur la question. Ce propos défiant la société de consommation, voir anti-capitaliste, est couillu. C'est super, et curieux, d'entendre cette audace et néanmoins très démagogue. Cracher sur Pepsi en exhibant Apple et d'autres marques, paradoxale ! Conter l'histoire d'artistes qui vont au bout de leurs rêves au dépend du matérialisme à travers un film qui n'a rien d'indépendant porté par des vedettes, autre paradoxe. Marc Ruffalo est assez crédible en ancien producteur dégoûté devenu altermondialiste, et ce malgré après avoir été Hulk. Bien dans le jeu, belles paroles, mais ça sonne un peu faux. On aimerait croire à ce récit qui remet en question les institutions et leur gavage sur le dos des artistes. L’exposé et le calcul sur la base d'un album au prix de 10$ est éloquent, ce qu'en font finalement les personnages est génial mais malheureusement tout cela n'existe que dans les rêves utopiques d'un monde meilleur. Pas sûr que ceux qui servent ce propos y croient profondément eux même.
"New York Melody" est une charmante ballade musicale dans une ville joyeusement cosmopolite avec des notes d'utopie et de romance. Ce New York offre une photographie admirable par son côté brute et vivante. Ces mélodies lyriques enjôlent et câlinent.