"Béni, moi ? Béni, moi ?" Un professeur heureux menant une vie de couple heureuse rencontre sur la route un malheureux camion qui lui offre un voyage de cinq ans au pays des comateux. Cinq ans plus tard, donc, Johnny (c'est son petit nom) se réveille, très affaibli, et non seulement apprend que sa fiancée a refait sa vie, mais constate en plus que le petit coup sur la calbasse a fait son effet : il peut "clairvoir" des choses en tripotant les mains des gens qu'il rencontre, autrement dit cette mésaventure l'aura doté d'un don de médium. On se rend compte assez vite que le bonhomme derrière la caméra, ça n'est pas n'importe qui. Avec un visuel soigné et une mise en scène étudiée, le cinéaste canadien parvient à distiller une atmosphère froide qui se marie idéalement avec l'histoire. Et, dans le rôle difficile de Johnny Smith, Christopher Walken ne manque pas de charisme ni de justesse... si bien que l'on pardonne au film ses dialogues vieillis et ses seconds rôles peu marquants dans leur interprétation, voire carrément mauvais. Mais voilà, bien que Cronenberg semble vouer un grand respect à l'oeuvre de Stephen King, il y a indéniablement un défaut dans l'engrenage ; la partie politique du récit, qui occupe une place primordiale dans le roman, est ici quasiment survolée. Ainsi, l'adaptation de Cronie ne fait apparaître Stillson qu'au bout d'une heure environ. Sur un film d'une heure quarante-cinq, c'est plutôt léger pour intégrer dans le récit un personnage de cette importance. King, en as de l'écriture, montrait avec un certain brio à quel point Stillson est, pour résumer, un faux-cul dangereux, dont l'éloquence proche de l'hypnose lui permet de se mettre le pays entier dans la poche. Cronenberg, lui, ne prend tout simplement pas le temps de s'y attarder, et Stillson ainsi que la partie de l'intrigue qui le concerne sont loin d'êtres aussi intenses qu'ils devraient l'être. Dommage, c'est la partie la plus importante de l'histoire, celle qui justifie les intentions de Johnny Smith. En conséquence, le dénouement, par ailleurs trop vite amené, en est nettement moins saisissant et n'atteint pas l'ampleur dramatique de celui du livre éponyme. Un bon film, quelque peu plombé par des raccourcis scénaristiques dont on se serait volontiers passés. Comment ? Avec une durée plus longue, tout simplement...