Le cinéaste canadien, Atom Egoyan, lorgne sur un fait divers sordide ayant bouleversé l’Amérique post-sudiste, aux pourtours de Memphis, dans l'Etat de l'Arkansas en 1993. Le meurtre de trois jeunes enfants dans les bois, à proximité d'une banlieue américaine, affaire irrésolue encore à l'heure actuelle, aura éveillé une crainte toute naturelle d'une société américaine conformiste envers tout élan tendant à la vénération du diable. La jeunesse est tourmentée et passent bientôt dans la brouilleuse d'une justice aveugle trois adolescents adeptes du culte satanique, en dépit des preuves amenées par le défense et les indices contraires. La machine est lancée, la justice est persuadée et le récit tourne très vite à la démonstration d'efficacité aveugle. Oui, mais voilà, Egoyan, comme l'on pouvait s'y attendre, n'amène ni événement nouveau ni nouvelle optique sur le fait divers tant médiatisé.
Alors que le cinéaste était présent à Cannes, cette année, avec son dernier né, Captives, les 3 crimes de West Memphis, celui-ci, n'aura pas eu les honneurs d'une distribution dans les salles obscures françaises. Très honnêtement, si son film n'est, dans sa globalité, pas une réussite fulgurante, il méritait nettement mieux que cette version Direct-to-DVD, dans une version québécoise qui plus est. Si le film n'offre aucune surprise, s'il est même embrouillant le cap de l'heure passée, l'ambiance est pourtant très soignée. En effet, dans sa première partie, le film d'Egoyan est irréprochable de noirceur. La disparition, puis la découverte par les policiers de trois petits corps, sont tout simplement impeccables, d'une très belle intensité. La suite, alors, marquée par l'arrivée aux affaires d'un aspect proprement juridique, n'est pas pleinement convaincante, malheureusement.
Est-ce l'opportunité de s'approprier un sujet fort qui poussa Atom Egoyan à parler du triple meurtre le plus malencontreusement célèbre d'une région des Etats-Unis? Ou le cinéaste a t-il vu là la possibilité d'un exercice de style? Dans tous les cas, le réalisateur n'aura pas su aller jusqu'au bout. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir essayer, notamment en entraînant dans son aventure quelques comédiens de renom. Je pense là d'abord à Reese Witherspoon, excellente en mère traumatisée, attristée puis finalement plongée dans un sordide doute quant à la machine judiciaire. Autre tête d'affiche, Colin Firth, comédien omniprésent sur les écrans depuis maintenant cinq ans. Celui-ci prend l'identité d'un privé en perpétuelle croisade contre la peine capitale. Pour autant, le bonhomme n'est pas franchement saisissant et semble évolué en total parallèle à l'enquête, sorte de perturbateur dont personne ne semble vouloir s'y intéresser.
En gros, un thriller très sombre, d'abord bien réalisé puis finalement chaotique dans sa mise en scéne, le film essaie de s'approcher de plusieurs thématiques, celle du satanisme, celle de la peine de mort, celle du deuil, sans réellement ouvrir ni les yeux ni les appétits curieux de cinéphiles qui aiment se faire peur ou se voir choquer. Un coup dans l'eau? Pas tout à fait. Le film se laisse clairement visionner, dans l'attente d'un éclaircissement qui ne viendra pas. Inspiré d'une histoire vraie oblige. A découvrir. 11/20