Avec Ridley Scott, c’est souvent les montagnes russes. Il peut aussi bien nous offrir du chef-d’œuvre à la pelle (Alien, Blade Runner, Gladiator…) que du pire (la guimauve qu’était Une grande année). À se demander donc où se situera Cartel (The Counselor en VO). Sur le papier, son nouveau film avait de quoi rassurer : un bon metteur en scène, un auteur d’exception (à qui l’ont doit les livres de La Route et de No Country for Old Men) et un casting des plus prestigieux. Eh bien… jamais l’expression « sur le papier » ne s’était montrée aussi imposante pour un autre film !
Pourtant, Cartel avait de quoi plaire ! Rien que la bande-annonce, qui nous mettait dans une ambiance digne de son auteur, Cormac McCarthy. Pas que nous espérions retrouver le brio des frères Coen avec No Country for Old Men. Mais au moins cet univers propre à l’auteur. À la limite du western, avec ces personnages hauts en couleur, ces paysages qui sentent la chaleur torride et l’atmosphère poisseuse. Où l’histoire va flirter aisément avec la crasse et les héros peu recommandables. Surtout que Cartel suit la même trame scénaristique que No Country for Old Men dans un sens : la descente aux enfers d’un homme. Mais quand je vous dis descente, c’est LA chute, la vraie ! Ne compter pas espérer revoir un rayon de lumière dans la vie de cet avocat qui se laisse tenter dans un coup qui va mal tourner. L’homme voit son existence et celle de ses proches chamboulées au possible, touchant le fond sans aucun moyen de remonter la pente. Ajoutez à cela une tonne de répliques et monologues qui, à eux seuls, n’ont franchement rien à dire au premier abord mais qui apportent tout le charme d’un McCarthy. Car faisant tout bonnement réfléchir. Mais c’était sans compter sur Ridley Scott.
Sur un point plus personnel, je peux dire que j’adore ce réalisateur. Mais là, je dois bien avouer qu’il s’est vautrer comme ce n’est pas permis. Même Steven Spielberg, avec son infâme Indiana Jones 4, sauvait quelque part les meubles. Là, il n’y a tout bonnement rien ! Juste un film qui tourne en rond et qui n’accroche nullement. Oulah, irais-je trop vite dans mon constat ? C’est vrai. Je vais donc prendre le temps de bien expliquer.
En commençant par le réalisateur qu’est Ridley Scott. Cet homme tout droit sorti du monde de la publicité, pointilleux sur le détail, ce qui lui permettait de nous livrer de véritables prouesses niveau mise en scène. Avec ce qu’avaient fait les frères Coen, on était donc en droit d’attendre au moins un minimum de la part de Ridley Scott. Surtout qu’ici, il se frotte à un genre qui lui était inconnu (le style western). Mais en voyant Cartel, on peut se poser un nombre incalculable de questions. Qu’est-il arrivé à Ridley Scott ? Pourquoi a-t-il été aussi fainéant ? Est-ce à la suite du suicide de son frère Tony ? Ce qu’il ne faut point douter. Mais dans ce cas, c’est un bien piètre hommage qu’il lui rend là ! Mise en scène plate, avec une caméra qui ne fait que filmer les acteurs plan après plan, sans une once de trouvaille. Et surtout sans installer la moindre ambiance, ce que le scénario de McCarthy nécessitait pourtant. Il faut dire aussi que pour ce film, Scott étonne en prenant un autre compositeur que ses habitués (Hans Zimmer, Marc Streintenfeld et Harry Gregson-Williams) en la personne de Daniel Pemberton. Un parfait inconnu et qui le restera sans l’ombre d’un doute, vu qu’il n’arrive pas à fournir une BO digne d’un film de Ridley Scott : trop discrète pour ne pas dire inexistante, vide et sans intérêt. Pas de quoi faire une ambiance en tout cas !
Et cet incroyable manque d’atmosphère qui plombe tout le reste du film. Qui en devient aussi ennuyeux que de regarder l’herbe pousser. Sans ambiance, Cartel n’a franchement rien d’accrocheur. Nous ne faisons que voir des gens parler de rien et de tout, sans que cela n’est la quelconque incidence sur la trame principale. Surtout avec ces fameuses répliques qui tournent en rond, qui n’aident aucunement. Chez les Coen, leur mise en scène faisait tout ! Ici, il aurait sans doute fallu que ce soient eux qui ce chargent du projet. Car à aucun moment on arrive à se plonger dans les dialogues qui ne veulent rien dire. De s’intéresser à des personnages dont, au final, on se fiche royalement de leur devenir. Que faut-il retenir de tout ça ? Du blabla à outrance et 2 scènes érotiques déconcertantes : une, longue pour rien, et l’autre… bizarre ! Et ce n’est pas une séquence de fusillades sans âme qui y changera quoi que ce soit !
Vraiment, vraiment dommage, surtout quand on voit les acteurs qui sont à la tête du film. Michael Fassbender, Cameron Diaz, Javier Bardem, Penélope Cruz et Brad Pitt. Rien que ça ! Mais après avoir vu Cartel, vous aurez l’impression d’un film à stars. Ni plus, ni moins. Qui ne sont franchement pas aidés par ce Cartel sans vie. N’allant jamais jusqu’à leur meilleur (même Bardem, c’est pour dire !). Il y a juste une Cameron Diaz qui en étonnera plus d’un, en se présentant sous un autre jour (celui qui ne la fait pas passer pour une cruche blondasse). De las prestance, rien d’autre… c’est franchement malheureux…
Voilà ce qu’il faut retenir de bien dans Cartel : une distribution 10 étoiles (mais qui n’est pas au top du top, juste au minimum) et, il faut bien avouer, un Ridley Scott qui semble se réveiller à la fin du film question mise en scène (3 minutes de pure paranoïa efficace en ce qui concerne le personnage de Brad Pitt). Mais sinon, Carel n’est que du vent. Un film servi par de très grands noms, sans rien à l’intérieur. Et là, il y a de quoi s’inquiétait pour ce que Ridley Scott va faire par la suite. Oui, c’est les montagnes russes avec lui. Son prochain film sera peut-être un nouveau chef-d’œuvre. Ou un navet. On ne peut prédire. Mais quand on sait qu’il s’agit d’Exodus et de Blade Runner 2, le réalisateur ne peut en aucun cas louper son tir !