Ridley Scott est un véritable maître du Septième Art. Toujours à la recherche de l'Image Sublime, il positionne ses personnages selon ce point de vue. Ridley Scott est un des plus talentueux conteurs du monde. Chacun de ses films peut être résumé ainsi : recréer un monde dans lequel le spectateur aime, ou n'aime pas, se plonger. C'est dans cette optique qu'il est devenu, à l'instar de Danny Boyle, un réalisateur touche-à-tout : la science fiction ("Alien", "Blade Runner", "Prometheus"), la Rome antique ("Gladiator"), les Croisades ("Kingdom of Heaven" et "Robin des bois"), les guerres contemporaines ("La Chute du Faucon Noir", "Mensonges d'état"), l'Amérique vierge des européens ("1492 : Christophe Colomb") et le monde de la drogue et ses gangsters ("American Gangster", "Cartel").
Car Cartel ne fait pas exception à la règle : Ridley Scott y établit à la perfection les règles qui sévissent à la frontière mexico-américaine. Les acteurs sont excellentissimes : le jeu de Michael Fassbender (qui avait déjà joué sous la houlette le réalisateur britanno-américain dans "Prometheus") est, comme d'habitude, splendide ; Cameron Diaz brille dans ce rôle de dominatrice trash (la scène du "poisson chat" est tellement drôle qu'elle devient instantanément culte) ; Brad Pitt retrouve dans ce rôle de cow-boy macho retrouve Scott plus de 20 ans après "Thelma et Louise" et prouve à quel point il est bon acteur ; enfin, le couple Cruz-Bardem brille de mille feu en épouse aimante pour l'une et en dealer naïf pour l'autre.
J'ai été stupéfait de voir que nombreux sont ceux qui n'ont pas compris le film, à la fin du film. L'histoire peut en effet paraître absconse, mais c'est là la volonté de Cormac McCarthy (l'auteur de "No Country For Old Men" et de "La Route" et qui a signé le scénario du film). Ce film très noir nous montre un monde où les règles sont très instables, puisqu'elles sont directement liées aux pulsions de ceux et celles qui y interagissent. Le Monde décrit par Scott-McCarthy est très sombre, et nous ne pouvons comprendre tous les aboutissants, notamment parce que le héros lui-même ne les comprends pas. Seul Cameron Diaz semble en percevoir toutes les vérités. Pourtant, si on s'attache à un autre degré de lecture, un peu plus élevé, on se rend compte à quel point ce film est intelligent. Scott et son scénariste se sont appliqué à répondre à une question : jusqu'à quel point sommes-nous impliqués dans le monde ? "The Counselor", le personnage joué par Michael Fassbender, apprendra à ses dépends qu'on est toujours plus impliqué qu'on le pense au premier abord. Ce film est un discours sur l'appartenance au monde : d'où les passages sur la sexualité et les différences "sexistes", le discours sur le snuff-movie où celui qui le regarde est complice du meurtre, et le discours sur la corrélation entre soi et les mondes qu'ont construit.
Ce film n'est pas le meilleur de son réalisateur, mais il n'en demeure pas moins un véritable chef d'oeuvre dont qui nous tient en haleine, nous surprend, parfois nous émeut, nous dégoute souvent, bref, nous fait réagir et réfléchir. A voir absolument !