Remy Bezançon a signé, il y a 7 ans maintenant, ce qui est, pour moi, l’un des plus grands films qui soit, à savoir "Le Premier jour du reste de ta vie", qui faisait suite à sa formidable premier film, "Ma Vie en l’air". Le réalisateur laissait entrevoir un vrai talent de mise en scène et un univers très marqué, tant sur le plan des problématiques abordées que du ton employé (savant mélange d’humour décalé et d’émotion palpable). Il semblerait, malheureusement, qu’il est bien du mal à se remettre de son chef-d’œuvre. Ainsi, après l’inégal "Un heureux Evénement", il redresse un peu la barre avec "Nos futurs" (sorti dans l’indifférence générale cet été) mais peine à retrouver son niveau. Et pourtant, le film partait sur de bonnes bases avec une idée de départ, une fois de plus, brillante permettant d’exploiter l’inéluctable évolution entre un mec de 18 ans (l’insouciance, les fêtes, les filles…) et un mec de 35 ans (le boulot, la vie rangée, les responsabilités…) sans pour autant, se perdre dans les poncifs habituels. Car le réalisateur sait désamorcer les clichés, ici par le biais d’un ton souvent très drôle et d’un twist scénaristique assez osé (mais qui correspond bien au réalisateur). Malheureusement, le réalisateur donne, à mon sens, trop d’indices sur ce twist à venir et ce dès le début du film
(le fauteuil offert évoquant H.G. Wells à qui on doit "La Machine à remonter dans le temps", le quotidien de Thomas qui n’a pas changé d’un poil depuis le lycée, le regard insistant de Yann sur la Seine ou son obsession pour la mort, les allusions à un drame passé qui ne dit pas son nom…)
et ne m’a, par conséquent, pas vraiment surpris… au point de m’empêcher d’apprécier le film à sa juste valeur. Difficile, en effet, d’être totalement
détaché
devant le road trip entrepris par le duo d’amis (Pierre Rochefort impeccable en coincé qui s’encanaille et Pio Marmaï, une fois de plus extraordinaire en éternel ado)
quand on devine où veut nous emmener le réalisateur
. Ce n’est pas le seul défaut de "Nos futurs" qui pêche, également, sur le plan, de la fluidité de sa mise en scène
(surtout à compter du départ sur les routes de Yann et Thomas, à partir duquel l’intrigue est plus attendue)
… ce qui ne m’aurait pas forcément gêné pour un film lambda mais qui est forcément décevant quant on connaît le talent de Rémi Bezançon. La BO connaît le même sort puisqu’elle n’est pas déshonorante mais qu’elle n’est pas au niveau des géniales partitions de Sinclair dans ses deux premiers films). Sans doute suis-je trop exigeant avec ce film mais je ne peux pas croire qu’un réalisateur à qui on doit deux merveilles, se soit assagi au point de perdre tout ce qui faisait son génie. D’ailleurs, on retrouve son style à de nombreuses reprises dans "Nos futurs" avec des dialogues et des gags souvent très drôles
(le vin préféré et imbuvable de Thomas, le Minitel comme outil de recherche de pointe, la gueule de bois post soirée ado où le gamin est plus mature que les adultes, le rôle de la mère de Yann…)
et des moments émouvants certes moins bouleversants qu’à l’accoutumée mais qui, contrairement à "Un heureux événement", ne font pas tâche
(l’amour secret que Virginie porte à Thomas, la scène entre Yann et son défunt père, les problèmes de grossesse d’Estelle…)
. Et il démontre, une fois de plus, qu’il est un incroyable directeur d’acteur qui sait faire briller ses interprétes comme personnes, de Kyan Khojandi à Camille Cottin en passant Mélanie Bernier, Roxanne Mesquida, Laurence Arné, Aurélien Wick (méconnaissable !) et l’indispensable Zabou Breitman. Preuve en est que Rémy Bezançon n’a pas totalement perdu son mojo mais il est encore loin de son niveau habituel. Le film s’étant totalement planté au box-office (au point de n’être connu de pratiquement personne !), il serait temps qu’un miracle se produise et qu’il nous livre un nouveau chef-d’œuvre ! C’est tout le problème qu’on a fait preuve de trop de talent d’un coup…