En signant un remake nerveux mais imparfait, qui valait surtout par la prestation ahurissante d’un Robert De Niro survolté, Martin Scorsese m’avait donné envie de découvrir le film original.. Et, une fois n’est pas coutume, "Les nerfs à vif" de J. Lee Thompson est moins réussi que son remake. En effet, s’il est incontestable que Scorsese a eu la main lourde, il avait, malgré tout, réussi à insuffler une épaisseur intéressante au récit, notamment en stylisant la violence du grand méchant Candy et, surtout, en légitimant sa quête vengeresse (puisque Bowden, qui était son avocat, reconnaissait l’avoir volontairement mal défendu en raison de l’atrocité de ses crimes). Or, dans "Les nerfs à vif", premier du nom, Candy reproche simplement à Bowden d’avoir témoigné contre lui. Le lien entre les deux personnages est, donc, bien moins fort et les motivations du méchant sont bien plus anecdotiques. Dès lors, on ne peut qu’être un peu déçu par le manque de substance de l’intrigue (qui souffre forcément de la comparaison avec son successeur, notamment dans son traitement très aseptisé de la violence) mais également de ses personnages, assez monochromatiques avec l’avocat droit dans ses bottes (Grégory Peck, bien mais figé), l’épouse soumise qui correspond si bien à son époque (Polly Bergen oubliable), la jeune fille modèle comme proie évidente (Lori Martin troublante), le copain flic dépassé (Martin Balsam) ou encore le privé caricatural (Telly Savalas avec des cheveux). Ce relatif manque d’écriture des personnages a, néanmoins, un effet bénéfique : il permet de magnifier le rôle du méchant, qui est le seul à sortir du lot (avec sa désinvolture et son immoralité) et qui bénéficie de l’interprétation d’un Robert Mitchum habité. L’acteur est, sans surprise, la principale attraction du film, chaque scène où il apparaît suscitant immanquablement l’effroi. Il serait, cependant injuste de cantonner "Les Nerfs à vif" à la seule prestation de Mitchum, en oubliant, au passage, le travail de mise en scène de J. Lee Thompson. Le réalisateur a su créer un climat de tension permanente qui tranche avec le décor plutôt tranquille de cette ville de Floride, en utilisant intelligemment le noir et blanc et en exploitant parfaitement la formidable musique du grand Bernard Herrmann. Difficile, à ce titre, de ne pas penser au "Psychose" d’Alfred Hitchcock en voyant ce film, tant les similitudes sautent aux yeux (le noir et blanc stylisé, la musique d’Herrmann, le plan si familier dans l’escalier, la tension sous-jacente, la présence de Balsam…), bien que "Les nerfs à vif" ne parviennent pas à égaler le chef d’œuvre du maître. Il manque, cependant, à la mise en scène de Thompson, un sens du rythme et un montage un peu plus affûté, qui n’auraient pas été de trop. "Les nerfs à vif" reste un film intéressant mais souffre définitivement de la qualité supérieure de son remake… ce qui n’est pas si commun.