On peut craindre, avant que le film ne commence, de se retrouver devant une comédie communautariste qui manie les clichés à la pelle et joue la facilité. Sauf que ce film est tout le contraire. Bon d’accord, pour évoquer rapidement ce qui pêche un peu, on n’échappe pas à quelques clichés sur le Maghreb, son style de vie et son folklore. Mais « Né quelque part » n’en fait pas tant que çà sur le sujet. Le portrait que Mohamed Hamidi dresse de l’Algérie moderne est plein de contradiction, car à côté de la douceur de vivre, les problèmes du chômage chronique, de l’autorité de l’Etat, de la corruption administrative, et ceux ô combien complexe de l’émigration et des passeurs ne sont pas pudiquement passés sous silence. Seule la question de la religion et des problèmes avec les islamiques n’est jamais évoquées, dans ce film la religion est très peu présente et bien inoffensive, ce qu’elle est probablement pour la grande majorité des algériens. Le casting est impeccable et la grande majorité des personnages deviennent très vite terriblement attachants. Djamel Debbouze, qui co-produit le film, a eu l’intelligence de s’effacer devant Tewfik Jallab, qui porte quasiment le film sur ses épaules puisqu’il est dans chaque plan. A leurs côtés, les acteurs algériens (dont je n’ai pas retenu les noms et j’en suis bien désolée) sont parfaits et surtout très drôles. Je donne bien volontiers deux mentions spéciales à deux comiques qui gravitent dans l’orbite du Djamel Comedy Club et que je retrouve avec plaisir sur grand écran : Malik Bentalha (dans un tout petit rôle, malheureusement) et surtout Fatsah Bouyahmed, ce dernier étant à l’origine de la grande majorité des situations comique du film. Le scénario est suffisamment inventif pour qu’on ne sache jamais vraiment comment l’intrigue va tourner. Le ton est léger, très léger même on n’est jamais très loin du tragique, voire du drame. On ne comprend qu’assez tard (malgré les toutes premières images qui sont habilement ambigües) comment le destin de Farid va tourner et comment il va se sortir (ou pas) d’une situation administrative qui se complique de jours en jours. Mais le propos de « Né quelque part » n’est pas tant la situation des aspirants émigrants algériens en France que celui de l’acculturation, des « étrangers ici et étrangers là-bas », celui aussi du déchirement dont souffrent ceux qui hésitent entre partir et rester. En résumé, du bon cinéma, intelligent et drôle, tragique et positif, une comédie douce-amère parfaitement maîtrisée, bref : du cinéma de qualité.