Les plus utilesLes plus récentesMembres avec le plus de critiquesMembres avec le plus d'abonnés
Filtrer par :
Toutes les notes
Eowyn Cwper
123 abonnés
2 039 critiques
Suivre son activité
3,0
Publiée le 10 septembre 2020
Kleber Mendonça Filho a tourné dans sa rue et même dans son appartement. Les sons du quartier, ce sont ceux qu'il a connus, et l'histoire qu'il y place n'est pas tant le fruit de son imagination que son imagination elle-même. Il nous montre quelles idées lui permettaient d'échapper au spectre de la pauvreté de Recife planant constamment au-dessus de l'ennui des quartiers riches.
Seulement, il oublie d'agréabiliser l'ensemble. Pour lui, il n'y avait pas de spectateur. La manière dont il aborde ses sujets est strictement personnelle, sans lissage, et l'on doit faire le choix de le suivre ou non dans la redécouverte de ses propres souvenirs. Ce qui perce en revanche, c'est le mépris pour les lieux et les décors de ces belles maisons bien entretenues, la sensation que les habitants ont oublié d'où ils viennent et ce qui les entoure. D'ailleurs, une impression de fin du monde monte lentement derrière le voile de gestes à peine scriptés - une main qui s'agite pour allumer automatiquement la lumière, et tout ce vaut cette personne semble s'écrouler.
Bien que c'est un drame que j'oserais qualifier de banal (il flatte un peu le stéréotype et il a une histoire, quoique très discrète, à faire avancer), Les bruits de Recife n'est pas qu'une promenade microphone à l'air capturant une atmosphère sans se soucier de ses raisons d'être. Loin d'en chercher la source, il y voit au contraire une finalité, une purge infernale révélée par quelques images qui n'arrivent pas à se retenir de surgir : l'eau qui se transforme en sang, les crescendos terrifiants de bruits de la ville coupés tout à coup, les messages d'amour qui paraissent s'écrire tout seuls sur l'asphalte, un rêve incompris... La purification a déjà commencé.
Cette chronique d’un quartier huppé de Recife, ville d’enfance du réalisateur, est un portrait croisé de plusieurs membres d’une même famille et de leurs employés autant qu’un tableau du Brésil contemporain. Assumant un rythme lent, distillant une tension sourde et latente sous ses faux airs paisibles, Les bruits de Recife nous berce à la manière d’une musique à la fois douce et quelque peu inquiétante.
Un film brésilien qui frappe par sa mise en scène, d’une maîtrise et d’une rigueur extrêmes. Au point qu’on craint un temps que l’inquiétude sourde et l’absence d’enjeux forts qui caractérisent ces banales tranches de vie ne débouchent sur le genre de twist ou d’explosion soudaine qui ferait aboutir, de façon forcément grossière, la puissance très singulière de l’atmosphère sur une démonstration de force ou d’intelligence. Au lieu de cela, le générique de fin nous laisse sur la frustration d’une porte qui reste fermée, mais aussi sur le plaisir d’avoir à reconstituer un sens caché derrière toutes les portes qui nous ont été ouvertes. Il faut alors reconsidérer ce qui s’est joué pour comprendre d’où vient précisément la violence sourde qui hante le film, de quel côté des grilles elle naît, qui la nourrit et qui la craint.
Un film envoûtant, d'une grande beauté qui aborde des sujets inhabituels et dresse le portrait d'une société brésilienne en pleine fracturation. Kleber Mendosa s'inscrit maintenant dans le top des cinéastes et n'a vraiment pas volé cette réputation. Son cinéma est d'une grande élégance et ses personnages toujours passionnants. C'est riche, on a toujours quelque chose à regarder à l'image. Magnifique.
J’aime la simplicité du traitement social au travers du panel de personnages comparativement à l’ambiance pesante qui ne dit jamais tout à fait son nom, Kleber Mendonça Filho propose beaucoup de bonnes choses niveau mise en scène, semblant parfois basculer de manière furtive dans le film de genre, ce qui donne un relief particulier et précieux. Cependant comme pour Aquarius je trouve la fin est peu faiblarde et démonstrative pour régler les conflits.
Cette chronique brésilienne est loin d'avoir la qualité qu'aura plus tard "Aquarius" : c'est brouillon, confus, les personnages, nombreux, restent trop dans le flou.
Avant le superbe "Aquarius", Kleber Mendonça Filho posait avec "Les bruits de Recife" les bases d'un cinéma intéressé par des préoccupations sociales concrètes et gagné par une angoisse flirtant avec le surnaturel. Ce qui est saisit dans ce quartier résidentiel de Recife à travers une forme chorale, c'est une violence de classes qui s'exprime par les gestes, qu'ils soient dérisoires (rayer une voiture) ou définitifs (les coups de feu, génialement substitués par les bruits des feux d'artifice), et par les mots, comme lorsque le richissime Francisco accueille pour la première fois chez lui les veilleurs du quartier et qu'il demande à l'un deux sur un air méprisant "s'il sait parler", ou bien quand Bia humilie sa domestique alors que celle-ci a involontairement cassé l'alarme servant à effrayer le chien du voisin. Mais le caractère insupportable de cet écart de classes n'empiète pas sur la circulation de désirs qui peuvent se concrétiser de manière très étonnante, à l'image de cette scène audacieuse où un personnage jouit grâce aux vibrations d'une machine à laver. L'érotisme et l'angoisse ne se mêlent pas mais les deux sont englobées dans cet original enregistrement d'un quotidien dont la banalité est sublimée par une mise en scène sensorielle qui crée, par un montage tendu, un mystérieux suspense partiellement révélé dans un final anxiogène. Film étrange qui mise davantage sur les détails sonores et visuels que sur son scénario – néanmoins finement écrit –, "Les bruits de Recife" séduit et convainc de l'indéniable talent de son cinéaste.
Une chronique sociale intrigante d’une belle maîtrise. Le problème c’est qu’on attend vainement que le film décolle, si bien que l’on reste sur notre faim.
Remarquable premier film, avant le superbe "Aquarius", d'un cinéaste très prometteur : partant de la chronique chorale, "Les bruits de Recife", par petites touches, crée un suspens subtil basé sur les failles des personnages principaux, peu à peu révélées.
L'ambiance du quartier est bien mis en image. Des beaux plans. Mais "l'intrigue" du film est mal tournée ce qui rend le film lent et sans grand intérêt.
Ayant beaucoup aimé "Aquarius", j’ai voulu voir le premier film de Kleber Mendonça Filho, "Les Bruits de Recife", film que j’avais zappé à sa sortie, aujourd’hui repris dans une salle du Quartier latin. Résultat : j’ai passé 2H10 scotché à l’écran les yeux et les oreilles grands ouverts et je suis sorti avec la certitude d’avoir découvert un véritable cinéaste. Si "Aquarius" est le portrait d’une femme, "Les Bruits de Recife" est celui d’un quartier résidentiel de classe moyenne/haute qui se dresse, avec ces buildings ultrasécurisés, près d’une favela. Il n’y a pas de véritable d’histoire (à part celle d’une vengeance qui traverse souterrainement le film et qui sert à l’ouvrir et le clore), mais plusieurs personnages dont on suit les trajectoires dans leur vie quotidienne. Film choral dont la maîtrise rappelle Robert Altman et dont le style distant et glacial rappelle Antonioni, c’est d’abord un film sur l’urbanisme au sens le plus ample, c’est à dire social et politique. Il y a chez Mendonça Filho une incroyable maîtrise de l’espace qui n’est pas que visuelle ; elle est aussi sonore. Ces "bruits de Recife" du titre (le film s’appelle en portugais "Le Son autour") que déploie la bande son sont tout aussi importants que l’image. "Les Bruits de Recife" est donc un (grand) film qu'il faut non seulement voir mais aussi écouter.
Une déception face à ce film dont j'attendais beaucoup. Certes la chronique est bonne, le titre colle parfaitement avec le contenu car les bruits sont omniprésents, ceux qui entêtent, ceux qui rendent fous, ceux qui font plaisir... Mais les personnages sont plats et il est difficile de s'attacher à eux, ce qui plombe totalement l'accroche et laisse le spectateur passif et sans empathie.
Ayant habité moi-même à quelques kilomètres de Boa Viagem (où a été conçu et filmé "les Bruits de Recife") durant plus de deux ans, j'ai retrouvé avec un immense plaisir les Recifences chaleureux et sensibles que j'avais connus dans les années 90, malheureusement soumis désormais à une pression croissante de la violence urbaine qui pervertit profondément le lien social, en minant la confiance "naturelle" qui est le ciment de la culture brésilienne. Kleber Mendonça Filho filme très bien, à la bonne hauteur, à la juste distance, avec le bon rythme - qui colle parfaitement avec le fonctionnement émotionnel de ses personnages -, ce paradoxe d'une société d'une grande chaleur humaine qui peu à peu se dessèche, à l'image - brillamment mise en scène - du remplacement rapide des maisons traditionnelles par des immeubles à la géométrie impitoyable. La seconde grande idée de Mendonça Filho, c'est de construire largement sa fiction sur le panorama sonore du quartier - chien qui aboie, outils qui grincent, téléphones qui sonnent, etc. et pour finir, ces fameux pétards qui dissimuleront un meurtre - à même de susciter une paranoïa grandissante : on pense beaucoup à Antonioni en regardant "les Bruits de Recife", autant d'ailleurs pour cet univers mental et désincarné que pour la sensualité brute avec laquelle sont filmés les divers couples qui s'aiment dans le film. Là où "les Bruits de Recife" suscite des réserves, c'est malheureusement dans certaines déviations fantastiques qu'emprunte le film (le cinéma en ruine, le sang de la cascade, l'invasion des zombies) qui n'apportent pas grand chose, ne construisent aucun sens particulier par rapport au thème déjà très riche : on a l'impression qu'il s'agit là de citations un peu virtuoses, que Mendonça Filho s'est surtout fait plaisir, aux dépens du film et du spectateur.
Malgré une esthétique attirante, ce film n’inspire qu’un sentiment de film de « Brasil do branco » , insipide et ennuyeux.... Dommage car j’adore le Brésil, avant Bolsonaro ...
La chronique douce amère d'un quartier petit bourgeois de la ville de Recife, qui s'est complètement transformée en quelques décennies. Mais le passé va refaire surface... Les comédiens sont excellents et on s'attache à eux, en regrettant même de ne pas en savoir davantage sur leur devenir. Certes, le coup de la milice sécuritaire est classique, mais le scénario ne se déroule pas tout à fait comme prévu. On passe un bon moment au Brésil !