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Petitgraindesable
20 abonnés
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5,0
Publiée le 27 février 2014
Chef d'oeuvre d'une grande subtilité, tout à la fois sur le fond et la forme. Ce film transgenre ne ressemble à rien de connu. Ne nous y trompons pas, la langueur, voire l'ennui décrit et qui peut nous gagner, maintient ingénieusement tous nos sens dans une attente diffuse, imperceptible, nous surprend puis nous renvoie vers une incertitude toujours à l’affût, pour nous saisir à nouveau. Jusqu'au feu d'artifice... et je n'en dirai pas plus.
Voici enfin la sortie en salle ce mercredi du film de Kleber Filho Mendoça "Les bruits de Recife" (O Som ao Redor).
Le film qui a été très bien accueilli par la presse internationale met en scène une (des) histoire(s) de voisinage dans le quartier de Setubal à Recife, dans le nordeste du Brésil.
Petits échanges entre amis/voisins et point de départ d'un scénario ultra-précis qui va permettre d'aller explorer bons nombres de thèmes viscéraux de la société brésilienne actuelle : angoisses urbaines, castes sociales, peur de l'autre, réminiscences sucrières, d'un passé qui agit sur des temps actuels comme la radioactivité sur la matière...
On n'a que trop peu ou rarement vu au cinéma, ces dernières années, d'efforts sur le travail fait de mise en scène, entre précision et adéquation du son et des images.
O Som Ao Redor propose sur ces aspects un univers très cohérent qui tranche avec ce qui a déjà pu être vu ou fait en la matière.
Le support sonore et visuel est complètement en phase avec le propos du film, via une bande son qui exploite brillamment les mouvements possibles de la caméra mais aussi ses limites, notamment dans les interstices où elle ne peut s'immiscer (entre immeubles gardés, coursives sans perspective et fenêtres barreaudées) pour suggérer l'indicible et parfois en hors-champ laisser présager du pire.
Les bruits de Recife naviguent à merveille dans un environnement urbain anxiogène dont la verticalité des constructions marque une société brésilienne qui ne cesse de fantasmer de tours toujours plus hautes.
Et c'est peut-être là où réside la force du film, le son traverse tous ces espaces clos et va au-delà de ce qui peut être montré.
Expérience sensorielle garantie pour ceux qui connaissent et/ou ont eu la chance de vivre un moment à Recife, en cinémascope immersif, la pellicule rappelle aussi dans le moindre détail ce qui caractérise Recife.
Merci au réalisateur et à l'équipe du film pour ce bol d'air cinématographique. Espérons donc que ce long métrage sera le début d'une grande série.
Ce premier film du réalisateur brésilien Kleber Mendonca Filho est à la fois profondément sensuel et complètement intellectualisé. On pourra, suivant sa sensibilité, adorer l'un, détester l'autre, ou inversement. Ou les deux. Ou aucun.
C'est un peu comme le mariage du meilleur de Carlos Reygadas (pas évident à trouver) avec une véracité psychologique à la Ulrich Seidl. Vous ne voyez sûrement pas ce que je veux dire, mais d'une certaine façon, moi non plus. D'ailleurs, à ce stade, il me faut bien avouer que j'ai hésité à très mal noter ce film, à le descendre carrément (en déclarant que je m'y suis mortellement ennuyé), pour au final déclarer mentalement et intérieurement qu'il fallait attirer l'attention de la communauté de mes lecteurs (c'est-à-dire entre 2 et 4 personnes) sur son cas. Ce qui ne sert à rien, par ailleurs, puisque le film n'est quasiment pas visible en salle.
Bref, vous ne le verrez pas, je l'ai vu : et du coup, en imaginant que de ce salmigondis d'images curieuses et ... la suite ici :
Cette chronique brésilienne est loin d'avoir la qualité qu'aura plus tard "Aquarius" : c'est brouillon, confus, les personnages, nombreux, restent trop dans le flou.
Une déception face à ce film dont j'attendais beaucoup. Certes la chronique est bonne, le titre colle parfaitement avec le contenu car les bruits sont omniprésents, ceux qui entêtent, ceux qui rendent fous, ceux qui font plaisir... Mais les personnages sont plats et il est difficile de s'attacher à eux, ce qui plombe totalement l'accroche et laisse le spectateur passif et sans empathie.
J’aime la simplicité du traitement social au travers du panel de personnages comparativement à l’ambiance pesante qui ne dit jamais tout à fait son nom, Kleber Mendonça Filho propose beaucoup de bonnes choses niveau mise en scène, semblant parfois basculer de manière furtive dans le film de genre, ce qui donne un relief particulier et précieux. Cependant comme pour Aquarius je trouve la fin est peu faiblarde et démonstrative pour régler les conflits.
Ayant habité moi-même à quelques kilomètres de Boa Viagem (où a été conçu et filmé "les Bruits de Recife") durant plus de deux ans, j'ai retrouvé avec un immense plaisir les Recifences chaleureux et sensibles que j'avais connus dans les années 90, malheureusement soumis désormais à une pression croissante de la violence urbaine qui pervertit profondément le lien social, en minant la confiance "naturelle" qui est le ciment de la culture brésilienne. Kleber Mendonça Filho filme très bien, à la bonne hauteur, à la juste distance, avec le bon rythme - qui colle parfaitement avec le fonctionnement émotionnel de ses personnages -, ce paradoxe d'une société d'une grande chaleur humaine qui peu à peu se dessèche, à l'image - brillamment mise en scène - du remplacement rapide des maisons traditionnelles par des immeubles à la géométrie impitoyable. La seconde grande idée de Mendonça Filho, c'est de construire largement sa fiction sur le panorama sonore du quartier - chien qui aboie, outils qui grincent, téléphones qui sonnent, etc. et pour finir, ces fameux pétards qui dissimuleront un meurtre - à même de susciter une paranoïa grandissante : on pense beaucoup à Antonioni en regardant "les Bruits de Recife", autant d'ailleurs pour cet univers mental et désincarné que pour la sensualité brute avec laquelle sont filmés les divers couples qui s'aiment dans le film. Là où "les Bruits de Recife" suscite des réserves, c'est malheureusement dans certaines déviations fantastiques qu'emprunte le film (le cinéma en ruine, le sang de la cascade, l'invasion des zombies) qui n'apportent pas grand chose, ne construisent aucun sens particulier par rapport au thème déjà très riche : on a l'impression qu'il s'agit là de citations un peu virtuoses, que Mendonça Filho s'est surtout fait plaisir, aux dépens du film et du spectateur.
Un film envoûtant, d'une grande beauté qui aborde des sujets inhabituels et dresse le portrait d'une société brésilienne en pleine fracturation. Kleber Mendosa s'inscrit maintenant dans le top des cinéastes et n'a vraiment pas volé cette réputation. Son cinéma est d'une grande élégance et ses personnages toujours passionnants. C'est riche, on a toujours quelque chose à regarder à l'image. Magnifique.
Un film brésilien qui frappe par sa mise en scène, d’une maîtrise et d’une rigueur extrêmes. Au point qu’on craint un temps que l’inquiétude sourde et l’absence d’enjeux forts qui caractérisent ces banales tranches de vie ne débouchent sur le genre de twist ou d’explosion soudaine qui ferait aboutir, de façon forcément grossière, la puissance très singulière de l’atmosphère sur une démonstration de force ou d’intelligence. Au lieu de cela, le générique de fin nous laisse sur la frustration d’une porte qui reste fermée, mais aussi sur le plaisir d’avoir à reconstituer un sens caché derrière toutes les portes qui nous ont été ouvertes. Il faut alors reconsidérer ce qui s’est joué pour comprendre d’où vient précisément la violence sourde qui hante le film, de quel côté des grilles elle naît, qui la nourrit et qui la craint.
Remarquable premier film, avant le superbe "Aquarius", d'un cinéaste très prometteur : partant de la chronique chorale, "Les bruits de Recife", par petites touches, crée un suspens subtil basé sur les failles des personnages principaux, peu à peu révélées.
Ce film brésilien, sorti en France deux ans après sa première présentation au festival de Rotterdam, vaut pour son tableau social et sa maîtrise formelle. Le réalisateur Kleber Mendonça Filho (dont c'est le premier long-métrage) orchestre habilement un récit choral, sonde le quotidien d'une classe moyenne pour en capter les désirs, les frustrations, les peurs, les obsessions sécuritaires. Il sonde aussi les rapports de forces entre cette population aisée et ses serviteurs (domestiques, surveillants...), mettant au jour une structure sociale qui se perpétue de génération en génération, des plantations de cannes à sucre aux îlots urbains. Derrière une apparente douceur de vivre, le réalisateur réussit très bien à distiller des sentiments troubles et vaguement inquiétants : gentillesse condescendante, cruauté feutrée, jusqu'à la rancoeur vengeresse. Une angoisse sourde et une tension latente traversent ce film réaliste aux petites touches fantastiques (l'apparition d'un gamin sur les toits et dans les arbres, le rêve d'invasion de la petite fille...). Cette angoisse et cette tension, qui mettent les personnages sur les nerfs, sont exprimées symboliquement par un beau travail sur le son (amplifications des bruits agressifs du quotidien, petits effets stridents) et sur l'espace (la verticalité des immeubles, les barreaux aux portes, etc.). Kleber Mendonça Filho voulait que son film soit comme un soap opera filmé par John Carpenter. Et c'est plutôt réussi. Voilà qui lui permet, entre chronique et mini thriller, de capter un profond malaise social, une violence prête à exploser. Mais il aurait pu davantage condenser son récit et donner plus de rythme à l'ensemble. Languissant, le film se répète un peu dans l'expression de son intention et, à l'inverse, ne développe peut-être pas assez l'élément dramatique introduit au final. Il n'en témoigne pas moins d'une intelligence et d'une sensibilité intéressantes.
La chronique douce amère d'un quartier petit bourgeois de la ville de Recife, qui s'est complètement transformée en quelques décennies. Mais le passé va refaire surface... Les comédiens sont excellents et on s'attache à eux, en regrettant même de ne pas en savoir davantage sur leur devenir. Certes, le coup de la milice sécuritaire est classique, mais le scénario ne se déroule pas tout à fait comme prévu. On passe un bon moment au Brésil !
Kleber Mendonça Filho a tourné dans sa rue et même dans son appartement. Les sons du quartier, ce sont ceux qu'il a connus, et l'histoire qu'il y place n'est pas tant le fruit de son imagination que son imagination elle-même. Il nous montre quelles idées lui permettaient d'échapper au spectre de la pauvreté de Recife planant constamment au-dessus de l'ennui des quartiers riches.
Seulement, il oublie d'agréabiliser l'ensemble. Pour lui, il n'y avait pas de spectateur. La manière dont il aborde ses sujets est strictement personnelle, sans lissage, et l'on doit faire le choix de le suivre ou non dans la redécouverte de ses propres souvenirs. Ce qui perce en revanche, c'est le mépris pour les lieux et les décors de ces belles maisons bien entretenues, la sensation que les habitants ont oublié d'où ils viennent et ce qui les entoure. D'ailleurs, une impression de fin du monde monte lentement derrière le voile de gestes à peine scriptés - une main qui s'agite pour allumer automatiquement la lumière, et tout ce vaut cette personne semble s'écrouler.
Bien que c'est un drame que j'oserais qualifier de banal (il flatte un peu le stéréotype et il a une histoire, quoique très discrète, à faire avancer), Les bruits de Recife n'est pas qu'une promenade microphone à l'air capturant une atmosphère sans se soucier de ses raisons d'être. Loin d'en chercher la source, il y voit au contraire une finalité, une purge infernale révélée par quelques images qui n'arrivent pas à se retenir de surgir : l'eau qui se transforme en sang, les crescendos terrifiants de bruits de la ville coupés tout à coup, les messages d'amour qui paraissent s'écrire tout seuls sur l'asphalte, un rêve incompris... La purification a déjà commencé.
Cette chronique d’un quartier huppé de Recife, ville d’enfance du réalisateur, est un portrait croisé de plusieurs membres d’une même famille et de leurs employés autant qu’un tableau du Brésil contemporain. Assumant un rythme lent, distillant une tension sourde et latente sous ses faux airs paisibles, Les bruits de Recife nous berce à la manière d’une musique à la fois douce et quelque peu inquiétante.